Monthly Archives: October 2019

De l’IA et du Big Data

“People, ideas, machines- in that order”

John Boyd

La guerre du Vietnam fut la première guerre conçue et menée par des technologies et des méthodes issues du monde de la grande entreprise. Président du constructeur automobile Ford, le secrétaire d’état à la défense, Robert McNamara mit un point d’honneur à « moderniser » et à « rationaliser » le Pentagone ainsi que la conduite de la guerre.

La légende raconte que McNamara fit entrer dans un supercalculateur toutes les données du conflit : hommes, matériel, forces ennemies, munitions, litres de carburant, pertes civiles puis il demanda à l’ordinateur de calculer l’issue de la guerre. Pendant plusieurs semaines, l’ordinateur moulina les données et un soir, un militaire informa McNamara que l’ordinateur était prêt à donner sa réponse.

«Alors, quel est le résultat? » , demanda le secrétaire d’État à la défense.

« Selon mes calculs, vous avez gagné la guerre il y a deux ans », répondit l’ordinateur…

Aujourd’hui, les entreprises et les gouvernements ne jurent plus que par l’IA et le Big Data.

Pour eux, ces technologies sont les clés de la future suprématie économique, technologie et militaire.

Passons sur le fait que personne n’explique  jamais comment, dans un contexte d’épuisement des terres rares nécessaires à la construction de leurs composants  électroniques, ces technologies peuvent être pérennes. Au-delà des limites physiques qui finiront par ramener tout le monde à la raison,  il faut rappeler que cette croyance en la panacée technologique procède du même aveuglement qui conduisit les États-Unis à la défaite au Vietnam en dépit d’une suprématie technologique et militaire écrasante.

En effet, tout système d’information, d’aide à la décision ou de collecte de données repose toujours sur les limites suivantes :

1-Aussi perfectionné soit-il, un système informatique ne sait pour l’instant que répondre aux questions qui lui ont été posées et traiter les données  qui lui ont été communiquées. Si les questions sont mal posées ou les data sets de qualité médiocre ou incomplets, les résultats ne seront jamais pertinents. Dans de nombreux cas, ceux qui utilisent de tels systèmes, dans le monde de l’entreprise ou en politique,  possèdent une connaissance très insuffisante, voire inexistante des systèmes d’information, de la statistique et de l’exploitation de données, sans parler de la confiance aveugle dans des modèles “prédictifs” qui n’ont souvent de scientifique que le nom car ils ignorent les processus non-linéaires ainsi que les effets de second et troisième ordre.

2- Comme je l’ai expliqué dans un précédent article, la variable clé n’est pas la quantité de données mais la qualité et la pertinence de ces dernières, ce que j’ai appelé la « densité informationnelle ».  Avec le Big Data, il existe un grand risque de noyer l’information critique au milieu d’un océan de données parasites, conduisant  le plus souvent à créer une couche supplémentaire  de systèmes d’information  pour faire le tri. Sur ce point, il a d’ailleurs été prouvé à de nombreuses reprises, par exemple par Paul Slovic ou Stuart Oskamp que l’augmentation de la quantité de données disponibles ne conduit pas à augmenter la qualité de la prise de décision mais plutôt à la diminuer. Enfin, l’accès rapide  à une telle masse de donnée peut conduire à de l’arrogance et à une baisse de vigilance, l’utilisateur pensant avoir toutes les cartes en main alors qu’il lui manque en réalité l’information critique. Comme l’écrivait Charles de Gaulle, dans La France et son armée : “l’excès de technique obscurcit la vision des ensembles”

3- Le Big data et l’IA demeurent avant tout des outils d’aide à la prise de décision. Si les êtres humains en bout de chaîne ne sont pas formés pour exploiter l’information recueillie  ou si les organisations auxquels ils appartiennent ne peuvent pas agir sur les résultats de l’analyse pour des raisons politiques ou autres, toute cette collecte sophistiquée d’information se trouve réalisée en pure perte.

La lutte contre le terrorisme islamique offre un parfait exemple des limites du Big Data. Il est indéniable, qu’au-delà des questions politiques sur la protection de la vie privée et le pouvoir donné au gouvernement, ces technologies ont permis d’éviter des attentats et d’arrêter des criminels. Ceci étant dit, malgré la débauche de moyens déployés, il faudra aux États-Unis plus d’une dizaine d’années pour mettre la main sur Ben-Laden et sa localisation sera due à une information donnée par une source humaine et à l’opiniâtreté d’un agent de la CIA. Récemment, en France, l’attentat de la préfecture de Paris a mis en évidence des dysfonctionnements, comble du comble, au sein d’un service de renseignement : non-traités par la hiérarchie, les signaux d’alerte n’avaient pas été entrés dans le système. De la même manière, le mouvement des Gilets Jaunes de 2018 prit totalement de court les services de renseignement français en dépit de signes avant-coureurs identifiés de longue date par des journalistes, des écrivains ou des sociologues. 

En réalité, il serait beaucoup plus sain de développer un profond scepticisme à l’égard du Big Data et de l’IA. Au lieu d’être des accélérateurs de connaissance, ces technologies contribuent souvent à la baisse de la qualité de la prise de décision. Elles permettent en effet de dissimuler le faible niveau de compétences des décideurs derrière le paravent de la technologie et de camoufler les limites de ces outils  sous un vernis mathématique et statistique censé être le garant de leur scientificité.

Plutôt que d’investir dans la technologie, il est en réalité toujours plus payant d’investir dans l’humain et dans sa formation car au final, c’est toujours lui qui se trouve en bout de chaîne.

Au lieu de décupler les capacités des hommes, la technologie rend souvent ces derniers paresseux et diminue leurs seuils d’exigence ainsi que leurs compétences pratiques. Plutôt qu’apprendre  à lire une carte, de mémoriser le nom des rues ou de planifier  un itinéraire, on s’en remet à un GPS. Plutôt que de mémoriser des informations importantes, on s’en remet à Wikipédia ou à une base de données. Et quand l’outil n’est plus disponible ou dysfonctionne, c’est la catastrophe car les connaissances et les compétences ne se trouvent plus dans le cerveau humain, elles ont été externalisées chez la machine.

Notre époque a oublié que le cerveau humain est le plus puissant supercalculateur jamais inventé et que ces capacités ont été affinées et perfectionnées par de milliards d’années d’évolution, le plus éprouvant et rigoureux  stress test qui soit. Quand il est bien entraîné, le cerveau humain sait établir des connexions, détecter des patterns, faire le tri entre différents sources et niveaux d’information, bien plus rapidement que n’importe quelle machine. Ce qu’il perd en capacité brute de traitement, il le rattrape largement avec ses heuristiques, ces raccourcis mentaux qui nous frappent parfois comme des fulgurances. De plus, les systèmes d’information sont souvent rigides et ce d’autant plus quand ils se trouvent intégrés dans des organisations hiérarchiques. Dans de telles structures, l’accès rapide à l’information n’est pas toujours possible où se retrouve bloqué par les niveaux d’accès, les procédures et les rivalités internes.

De  plus, ces systèmes d’information,  très coûteux à mettre en place et dont la question de la vulnérabilité se trouve toujours posée, peuvent être difficilement modifiés ou adaptés selon les circonstances et les besoins. Plutôt que rendre une organisation agile, souvent ils la figent et génèrent ce que les économistes appellent des externalités négatives dont les coûts sont rarement évalués et intégrés au calcul d’ensemble. Il ne s’agit pas de rejeter l’IA et le Big Data mais de les considérer non pas comme la pierre angulaire des systèmes d’information modernes mais plutôt comme des outils annexes devant être utilisés de façon limitée et ponctuelle.

Malheureusement, faute de formation et de compréhension des limites de l’outil, il est aujourd’hui toujours plus porteur d’affirmer que l’on prépare l’avenir en investissant X milliards dans l’IA et le Big data plutôt que d’annoncer que l’on va recruter des hommes et les former correctement.  Récemment, une connaissance me raconta comment dans les années 80, un de ses amis, passant le concours pour devenir douanier, fut interpellé par deux officiers des Renseignements Généraux (RG) à la sortie de l’épreuve sportive. Ces derniers lui montrèrent des polaroids pris dix ans plus tôt lors d’une manifestation  de soutien au président chilien Allende. François Mitterrand étant au pouvoir, les agents indiquèrent au candidat qu’il ne serait pas inquiété. Mais le message était passé.

Avec  les moyens de l’époque, les RG parvinrent à identifier un homme sur la base de polaroids pris dans une manifestation comptant des dizaines de milliers de personnes et faire le lien avec un candidat passant le concours des douanes plus de dix ans plus tard. Aujourd’hui, malgré les technologies à leur disposition, les services de renseignement ont du mal à suivre les djihadistes potentiels faute d’effectifs, de contacts sur le terrain et surtout de décisions politiques permettant d’en réduire la masse.

En 2008, le président Nicolas Sarkozy supprima de fait les renseignements généraux pour les faire fusionner avec la DST donnant ainsi naissance à la  DCRI. Selon un grand nombre de spécialistes, cette réforme conduisit à une perte d’information, de capacité d’action et de savoir-faire au sein du renseignement français que la France paie encore aujourd’hui.

En 2016, la DGSI fit appel à la société américaine « Palantir », spécialisée dans le Big data, confiant ainsi l’accès aux données les plus sensibles du renseignement français  à une entreprise américaine proche de la CIA et des services américains.

En réalité, le Big data et l’IA, au-delà des opportunités lucratives qu’elles offrent à certaines entreprises, participent à cette croyance moderne irraisonnée dans le progrès technologique et à la confusion entre la science (la connaissance réelle, la capacité à agir efficacement sur le monde) et le scientisme ( la profusion de données et de “modèles” qui intègrent rarement la possibilité d’un Black Swan).

Au delà de ces questions épistémiques, ces technologies viennent en réalité apporter une réponse technique à un problème économique et social. Dans un contexte de raréfaction énergétique et de contraction économique, les entreprises et les organisations cherchent à réduire la masse des travailleurs humains au maximum et à remplacer les employés par des machines. Cette tendance qui concernait dans un premier temps les travailleurs les moins qualifiés est en train d’affecter peu à peu les emplois intermédiaires ainsi que certaines professions spécialisées.

Quel avenir et quel projet politique pour des sociétés où le travail et la richesse risquent de finir  concentrées entre les mains d’une “élite” ultra-qualifiée assistée par de plus en plus nombreuses machines ? A coup sûr, certains intellectuels-mais-idiots suggéreront de se tourner vers l’ IA pour obtenir une réponse à cette épineuse question.

Des symboles

« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité, »

Charles Baudelaire

Grâce à l’enseignement prodigué par le système éducatif français, l’illettrisme ne cesse de progresser dans notre pays et il est désormais possible d’arriver à l’Université sans savoir véritablement lire ou écrire. Ceux qui ont encore la chance de maîtriser les savoirs fondamentaux se trouvent en revanche souvent frappés par une autre forme d’illettrisme, celui de la compréhension des symboles. Si tout le monde comprend par exemple qu’un drapeau symbolise le pays qui lui est associé ou que le port d’une croix témoigne de la pratique de la religion chrétienne, d’autres symboles, religieux ou occultes, demeurent malheureusement incompris ou méconnus par la majorité de nos contemporains.

Dans le cadre de la guerre qui oppose aujourd’hui les peuples aux mondialistes, cette ignorance des symboles constitue un grave problème ainsi qu’un puissant facteur d’échec. Premièrement, le symbole représente une chose et si cette « chose » n’est pas comprise, il ne peut y avoir acceptation ou rejet conscient du symbole. Deuxièmement, les mondialistes ayant fondé leur pouvoir sur la dissimulation de ce dernier et l’adhésion à des croyances occultes, leurs symboles leur permettent de révéler leur véritable allégeance, de communiquer entre eux et surtout de montrer l’étendue de leurs possessions et de leur influence. Troisièmement, le symbole montre de façon concrète quelles valeurs gouvernent la vie d’un groupe humain et exercent une influence psychologique ou culturelle sur celui-ci. Par exemple, placer l’église au milieu du village montre l’importance de la foi chrétienne et son importance pour la vie sociale, culturelle et spirituelle du groupe. A l’inverse, la multiplication des symboles occultes ou sataniques dans l’espace public ou les médias permet de montrer que c’est désormais Satan qui règne littéralement sur le monde.

Or, depuis la Révolution Française, la France et l’Occident en général, sont passés d’un monde chrétien à un monde gouverné par des puissances occultes, pour ne pas dire sataniques. Discrètes au départ, ces forces se sont manifestées au fur et à fur que leur influence grandissait de façon de plus en plus claire et visible, conscientes que, dans le même temps, la capacité des populations à comprendre ces symboles et leur sens déclinait.

Pour aider les résistants à comprendre et identifier la symbolique satanique pour mieux la combattre et se soustraire à son influence, nous proposons ici une liste non-exhaustive des principaux symboles utilisés par ces puissances occultes.

Œil caché

Greta Thunberg
Maye Musk, mère d’Elon Musk
Sharon Stone

“Car voici, je susciterai dans le pays un pasteur qui n’aura pas souci des brebis qui périssent; il n’ira pas à la recherche des plus jeunes, il ne guérira pas les blessées, il ne soignera pas les saines; mais il dévorera la chair des plus grasses, et il déchirera jusqu’aux cornes de leurs pieds. Malheur au pasteur de néant, qui abandonne ses brebis! Que l’épée fonde sur son bras et sur son œil droit! Que son bras se dessèche, Et que son œil droit s’éteigne!” (Zacharie 11:17)

Pyramide

Palais de la paix et de la réconciliation, Astana, Kazakhstan
Pyramide du Louvre
“Ce qui est au dessus est comme ce qui est en dessous” (Quod est superius est sicut quod inferius,)

Principe occultiste inscrit notamment dans la Tablette d’émeraude, texte hermétique et alchimique

Discours d’E.Macron devant la pyramide du Louvre (2017)

Temple maçonnique

Monuments des Droits de l’Homme, Champ de Mars, Paris

Damier noir et blanc

Loge maçonnique
Les Kardashians (noter les trois “6” avec les coudes)
Groupe No Doubt

Chut!

Nicole Kidman
Robert Downey Jr
Lady Gaga

Les cornes du diable

Eminem
Dwayne Johnson
Justin Bieber

Le 666 (pouce+doigts)

Johnny Depp
Leonardo Di Caprio

Cérémonies occultes

Le temple sur l’île d’Epstein (Little St James) où les puissants de ce monde se rendaient régulièrement

Cérémonie d’inauguration du tunnel du Gothard

Le noachisme

L’arc en ciel est le symbole du noachisme, cette “religion de l’Humanité” qui viendra remplacer le christianisme. Pour plus d’informations sur le noachisme, lire cet article de Pierre Hillard.

Symboles occultes et applications numériques

La nouvelle alliance écologique

La nouvelle arche d’Alliance contenant la “Charte de la Terre” (2001) voulue par Maurice Strong, le mentor de Klaus Schwab (Forum Économique Mondial – WEF)

La bête de l’Apocalypse

Le gardien de la paix et de la sécurité internationales, esplanade du centre des visiteurs de l’ONU, Jacob et Maria Angeles

« La bête que je vis était semblable à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité. » Apocalypse 13:2

QR code associé au passe sanitaire

“Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom.” Apocalypse 13:17

A travers cette présentation succincte, nous voulons inviter le lecteur à prendre conscience qu’il vit dans un monde saturé de symboles et que ces symboles sont ceux d’une oligarchie mondialiste vouant, de façon avouée, un culte à Satan. Cette élite jubile et jouit de sa capacité à utiliser ouvertement ces symboles, de les voir repris par le grand public et plus généralement, de pouvoir révéler sa véritable nature ou ses croyances sans susciter la moindre réaction de la part de populations prisonnières d’un matérialisme empêchant toute prise de conscience vis-à-vis des forces surnaturelles ou occultes qui gouvernent le monde.

Pour détruire les hommes, le Diable a toujours besoin de leur accord et les manifestations publiques de cette allégeance satanique servent à la fois à montrer la puissance de Satan mais aussi à pouvoir dire : « Regardez, tout était là. Nous ne vous avons rien caché, nous vous avons dit exactement qui nous étions et ce que nous allions faire et malgré cela, vous n’avez rien compris, vous vous êtes laissés faire. C’est donc que vous étiez d’accord. »

Dans le cadre de cette guerre spirituelle entre les forces de Dieu et celle du diable, il est donc essentiel que les hommes du XXIe siècle retrouvent cette capacité à déchiffrer les symboles, qu’ils rejettent collectivement « Satan, ses œuvres et ses pompes », et surtout, qu’ils comprennent que face à Lucifer et ses légions, seuls l’Amour et la Grâce du Christ peuvent les sauver.

Christus vincit.

Christus regnat.

Christus imperat.

Pour aller plus loin :

La symbolique des Illuminés

New Testament Warrior (Telegram)

Pierre Hillard, Des origines du mondialisme à la Grande Réinitialisation, (recommandé)

Du triomphe de la Croix

De la religion de l’Homme

Annuaire messes traditionnelles (par département)

I Pet Goat II (court métrage)

Analyse du Monument des Droits de l’Homme (Stéphane Blet)

De la religion

Article original publié par Nassim Nicholas Taleb sur Medium en 2016 sous le titre « Nous ne savons pas de quoi nous parlons quand nous parlons de religion ». Le texte est tiré du livre « Jouer sa peau » (Les Belles Lettres) – « Skin in the Game » (Random House)

Traduit de l’anglais par Stanislas Berton

Le problème avec tout ce qui est verbal (et journalistique) se trouve exprimé dans un aphorisme de l’Incerto (l’œuvre de Taleb) : les mathématiciens pensent avec des objets clairement identifiés et définis, les philosophes avec des concepts, les juristes avec des constructions, les logiciens avec des opérateurs logiques […] et les imbéciles avec des mots.  Deux personnes peuvent utiliser le même mot alors qu’il signifie pour chacun une chose différente et malgré cela poursuivre leur conservation, ce qui ne pose pas de problème à la pause-café mais qui est plus problématique lorsqu’il s’agit de décisions politiques affectant de nombreuses autres personnes. Par conséquent, il est très facile de déstabiliser les gens, comme le faisait Socrate, simplement en leur demandant ce que signifie précisément ce qu’ils viennent de dire, c’est ainsi que la philosophie vit le jour, comme rigueur dans le discours et clarté des notions, en parfaite opposition avec l’approche rhétorique promue par les sophistes. Depuis Socrate, nous avons eu une longue tradition de science mathématique et de droit des contrats gouvernés par l’importance de la précision des termes. Mais nous avons eu également beaucoup d’affirmations formulées par des imbéciles ayant recours à des étiquettes.

Lorsqu’ils utilisent le mot « religion », les gens veulent rarement dire la même chose et ils ne se rendent pas compte que c’est le cas pour tout le monde. Pour les anciens juifs et musulmans, la religion était la loi. Din signifie la loi en hébreu et la religion en arabe. Pour les anciens juifs, la religion était également tribale ; pour les anciens musulmans, elle était universelle. Pour les romains, la religion était des événements sociaux, des rituels et des festivals, le mot religio était l’opposé de superstitio et bien que présent dans la pensée romaine, il n’avait aucun équivalent dans l’Orient gréco-byzantin. La loi était procéduralement et mécaniquement une chose en soi et les premiers chrétiens, grâce à Saint Augustin, s’en occupèrent peu et plus tard, se souvenant de ses origines, eurent une relation inconfortable avec elle. Par exemple, même durant l’Inquisition, une cour laïque était chargée de délivrer les sentences. Le code de Théodose fut « christianisé » par une courte introduction, une sorte de bénédiction, le reste demeura identique et suivit le raisonnement légal du code romain païen tel qu’il était soutenu à Constantinople et en partie à Béryte.

La principale différence est que l’araméen chrétien utilise un mot différent : din pour la religion et nomous (du grec) pour la loi. Jésus, avec son commandement de « rendre à César ce qui est à César », sépara le sacré et le profane. Le christianisme appartenait à une autre dimension, « le Royaume du Ciel » et ce n’est que le jour du jugement dernier que celui-ci viendrait fusionner avec notre monde.  Ni l’islam ni le judaïsme ne possèdent une séparation marquée entre le sacré et le profane. Et bien entendu, le christianisme s’éloigna du plan purement spirituel pour devenir ritualiste et cérémoniel, adoptant un grand nombre de rites païens du Levant et de l’Asie Mineure.

Pour les juifs actuels, la religion est devenue ethnoculturelle, sans la loi, et, pour beaucoup, une nation. Il en fut de même pour les syriaques, les chaldéens, les arméniens, les coptes et les maronites. Pour les chrétiens orthodoxes et catholiques, la religion chrétienne est une esthétique, de la pompe et des rituels avec plus ou moins de croyances, le plus souvent décoratives. Pour la plupart des protestants, la religion est une croyance sans l’esthétique, la pompe ou la loi. Plus à l’Est, pour les bouddhistes, les shintoïstes ou les hindouistes, la religion est une philosophie pratique et spirituelle avec une éthique, et pour certains, incluant une cosmogonie. Par conséquent, quand un Hindou parle de la « religion » hindouiste, cela ne signifie pas la même chose pour un Pakistanais que pour un Hindou et c’est encore autre chose pour un Perse.

Les choses devinrent encore plus compliquées avec l’avènement de l’idée d’état-nation.

Quand un arabe d’aujourd’hui dit « juif », il veut principalement parler d’une croyance ; pour un arabe, un juif converti n’est plus un juif. Mais pour un juif, un juif est quelqu’un dont la mère est juive (cela n’a pas toujours été le cas, les juifs étaient très prosélytes au début de l’empire romain). Mais le judaïsme, grâce à la modernité, a fusionné avec l’état-nation et être juif peut désormais également signifier appartenir à une nation.

En Croatie-Serbie et au Liban, la religion peut avoir un sens en temps de paix et un tout autre sens en temps de guerre.

Quand quelqu’un parle des intérêts de la « minorité chrétienne » au Levant, cela ne signifie pas (comme tendent à le croire les Arabes) qu’il souhaite l’instauration d’une théocratie chrétienne mais tout simplement qu’il défend une conception « laïque » ou demande la séparation marquée de l’Église et de l’État (comme je l’ai dit auparavant, l’Église a toujours eu une relation difficile avec le profane ; on compte très peu de théocraties dans l’histoire chrétienne, à l’exception de Byzance,  de la tentative de Calvin et quelques autres épisodes). Il en va de même pour les gnostiques (Druides, Druzes, Mandéens, Alawis)

Non, au nom de Baal, arrêtez de dire que le salafisme est une « religion »

Le problème avec l’Union Européenne, c’est que les bureaucrates naïfs intellectuels-mais-idiots et les représentants des « élites » (ces imbéciles qui ne pourraient pas trouver leur derrière avec leurs deux mains) se font avoir par l’étiquette verbale. Ils traitent le salafisme comme une religion, avec ses lieux de « prière », alors qu’il s’agit juste d’un système politique intolérant qui encourage (ou tolère) la violence et refuse les institutions de l’Ouest, celles-là même qui lui permettent d’opérer.

Contrairement à l’islam chiite et aux ottomans sunnites, les salafistes refusent d’accepter la notion même de minorité : les infidèles polluent leur environnement. Comme nous l’avons vu avec la règle minoritaire, les intolérants écrasent toujours les tolérants ; le cancer doit être stoppé avant qu’il ne produise des métastases.

Étant naïfs et ne fonctionnant que par étiquette,  les IMI auraient une attitude différente envers les salafistes si leur mouvement se présentait sous un jour politique, similaire au nazisme, avec un code vestimentaire considéré comme l’expression d’une croyance. Interdire les burkinis serait acceptable pour les IMI si cela revenait à la même chose que de bannir les croix gammées : jeune intellectuel-mais-idiot, ces gens que tu défends, s’ils devaient arriver au pouvoir, te priveront de ces droits que tu leur donnes et ils forceront ton épouse à porter un burkini.

Nous verrons dans le prochain chapitre que la « croyance » peut être épistémique ou simplement procédurale (pistéique) ce qui peut conduire à confondre les croyances religieuses et celles qui ne le sont pas, une distinction qu’il est possible de faire via ce qu’elles signalent. Car en plus du problème « religieux », il y a un problème avec la croyance. Certains croyances sont purement décoratives, d’autres sont fonctionnelles (elles aident à survivre), d’autres sont littérales. Et pour revenir à notre problème des métastases salafistes : quand un de ces fondamentalistes parle à un chrétien, il est convaincu que le chrétien est littéral tandis que le chrétien est convaincu que le salafiste possède la même approche métaphorique qui doit être considérée sérieusement et non littéralement et souvent même pas si sérieusement que ça. Les religions comme le christianisme, le judaïsme et l’islam chiite ont évolué (ou ont laissé leurs membres évoluer en développant des sociétés sophistiquées)  précisément en s’éloignant du littéral car, en plus de l’aspect fonctionnel du métaphorique, le littéral ne laisse pas beaucoup de place à l’interprétation.

Pour conclure, non seulement le salafisme n’est pas une religion mais ce n’est même pas un système politique viable, ce n’est rien de plus qu’une excuse inventée par quelqu’un pour emprisonner les gens au 7ème siècle dans la péninsule arabique.

Pour aller plus loin:

Religion, Tolérance et Progrès: rien à voir avec la théologie (Taleb)

De l’islam

De la Rationalité

Des conflits religieux

Article original publié par Nassim Nicholas Taleb sur Medium en 2020 sous le titre « Religion, violence, tolérance et progrès : rien à voir avec la théologie »  

Traduit de l’anglais par Stanislas Berton

« Cette cité » [Constantinople » dit-il [Grégoire de Nysse] « est remplie de mécaniciens et d’esclaves qui sont tous de profonds théologiens et qui prêchent dans les boutiques et dans les rues. Si vous désirez qu’un homme vous change une pièce d’argent, il vous informe conséquemment que le Fils est différent du Père, si vous demandez le prix d’une miche de pain, il vous est répondu que le Fils est inférieur au Père et si vous voulez savoir si le bain est prêt, la réponse est que le Fils a été créé à partir de rien » d’après Gibbon, Histoire de la Chute et du Déclin de l’Empire Romain.

Les attitudes historiques collectives des catholiques ne découlent pas nécessairement des théologies du catholicisme ; celles des musulmans sunnites, pas nécessairement de la théologie de l’islam sunnite, il s’avère tout simplement que :

1-soit la religion crée un groupe distinct et polarisé et les gens commencent à s’imiter les uns les autres au sein de ce groupe.

2-soit les groupes trouvent de petites divergences théologiques (la plupart du temps sans véritable substance) pour se séparer des autres (par exemple l’Europe du Nord de l’Europe du Sud avec la Réforme, ou les égyptiens coptes des byzantins parlant le grec avec le monophysisme) pendant que ceux qui analysent l’histoire prennent le problème à l’envers en attribuant la différenciation entre les groupes à des divergences théologiques.

Ma thèse ici est que le récit wébérien reposant sur l’idée que les transformations religieuses (par exemple la Réforme) déterminent l’attitude et la culture ne suit pas la logique historique. Et essayer de changer la théologie et les doctrines n’a absolument aucun sens. Il faut changer les mentalités et les normes culturelles, si cela est possible.

L’alternative robuste selon laquelle les gens imitent les mœurs (contagieuses) des membres de leur groupe, définies de façon traditionnelle par la religion, est beaucoup plus logique. De façon générale, les gens préfèrent s’habiller, agir et même penser selon les critères en vigueur au sein de leur groupe, les gens avec lesquels ils s’identifient, ce que nous appelons « l’identité » au sens large. Nous verrons plus loin que les schismes et les hérésies semblent être de nature théologique mais habituellement, c’est plutôt l’inverse : des groupes inventent des différences théologiques pour se séparer, les hérésies possèdent les attributs de mouvements séparatistes ethniques ou culturels.

Weber introduisit ou popularisa l’idée que les protestants possédaient une certaine éthique de travail grâce aux valeurs transmises par leur religion. Cette idée, comme la majorité de la sociologie, a la solidité d’un marshmallow. Prenez le problème à l’envers : les protestants de l’époque avaient une certaine culture et les autres protestants étaient plus susceptibles d’adopter la culture de leurs pairs car la religion agissait comme un aimant pour ces identités. Grâce à la narration fallacieuse, il est toujours possible de trouver dans une religion des éléments qui confirment une théorie donnée. Weber et les wébériens ratèrent le fait que la Révolution Industrielle débuta de façon précoce dans le Nord de la France et la Belgique (deux régions extrêmement catholiques) tandis que le Sud catholique demeurait une région agricole et socialement conservatrice. Ainsi, chacun peut voir à l’œil nu que le facteur décisif n’a rien à voir avec les théologies. C’est tout simplement que les normes culturelles sont contagieuses au sein des identités et cela dans une très large mesure. Au passage, ces normes culturelles n’ont pas encore atteint la Méditerranée car elle a sauté la Révolution Industrielle. Pour n’importe quel statisticien, « l’éthique protestante » est un marqueur Nord-Sud et non Protestant-Catholique.

Contrairement aux autres réseaux et croyances païennes, les trois religions abrahamiques sont mutuellement exclusives, du fait de la règle minoritaire, même si elles sont rétroactivement compatibles (l’islam accepte théologiquement le christianisme et le judaïsme mais l’inverse n’est pas possible, le christianisme intègre de façon pleine et entière l’Ancien Testament).  Vous pouvez adorer à la fois Jupiter et Baal, tout comme vous pouvez avoir de la cuisine franco-japonaise mais vous devez être soit chrétien, soit musulman. La différenciation et la perte du syncrétisme qui a débuté dans le judaïsme lors de la période rabbinique s’est accélérée à l’époque moderne : au Maroc, les juifs et les musulmans avaient des sanctuaires en commun ; à un moment, ce fut la même chose pour les chiites et les maronites au Liban. L’absence de médias et de télévision permit aux coutumes locales d’ignorer des édits religieux lointains. Au 6ème siècle, à Doura Europos, la même salle faisait office de synagogue, de temple païen et d’église. Et au Liban, pendant longtemps, la différence se trouvait entre Qaysites and Yamanites (habitants du Nord et du Sud), une distinction sans doute héritée des Verts et des Bleus Byzantins et qui coupait au travers des appartenances confessionnelles (les Druzes Qaysites combattirent sans pitié les Yamanites et la plus grande bataille,  Ayn Dara, conduisit à la relocation des Druze Yamanites sur le plateau du Golan).

Amine Maalouf, un autre chrétien libanais, comprit le problème de façon intuitive et vit la contradiction dans les récits historiques. Comment se fait-il que l’islam est actuellement la religion associée à l’intolérance alors que ce fut le rôle traditionnellement joué par l’Église catholique ? Il suffit de regarder les preuves manifestes : on trouve beaucoup plus de minorités chrétiennes en terre d’islam que le contraire. Ce sont des groupes catholiques qui ont mené la croisade contre les albigeois, l’Inquisition, la Saint Barthélemy et tant d’autres. Le catholicisme n’a pas changé, ce qui a changé ce sont  les gens et leur culture. A ce que je sache, les textes sacrés n’ont pas été modifiés : ils étaient les mêmes durant l’Inquisition, avant l’Inquisition et maintenant.

Et bien sûr, l’attitude de l’islam sunnite envers le christianisme a changé avec le temps : une poussée d’intolérance depuis la fin du 18ème siècle comme en témoigne la chute continue du nombre de Chrétiens au Levant.

Comparer les théologies n’a pas plus de sens à moins d’avoir subi un lavage de cerveau par des textes de sociologie et d’être devenu incapable de penser avec un minimum de clarté. Les Puritains (Protestants) qui habitaient la Nouvelle-Angleterre et les Salafis de l’Arabie Saoudite et du Golfe Persique ont des théologies pratiquement identiques, fondées sur un communautarisme partagé (refus d’une autorité centrale), l’iconoclasme (absence de représentation, de saints ou de toute esthétique élaborée), absence d’une « église » organisée et une pratique très rigoriste de la religion. Et n’oubliez pas qu’ils vénèrent exactement le même Dieu.

Cette histoire d’identité-mentalité est responsable de bien d’autres choses. Les attentats suicides à la bombe dans l’est méditerranéen et au Moyen-Orient n’étaient pas à l’origine le fait des musulmans salafistes ; c’est dans la dernière partie du 20ème siècle que la pratique (réintroduite près de deux millénaires après les sicaires) commença à se répandre avec les disciples grecs-orthodoxes pan-levantins d’Antun Saadesh. Rien à voir avec les vierges que l’on retrouve au paradis, le genre d’explication ex-post que l’on entend aujourd’hui.

Par conséquent, en matière de développement économique, le groupe auquel vous vous identifiez a son importance. Vous adoptez leur appétit pour des tâches ennuyeuses et répétitives, vous vous concentrez sur la croissance industrielle et le travail dans des organisations hiérarchiques, l’extraction de l’individu de sa famille, la capacité à faire la queue pendant des heures sans tabasser quelqu’un, des vertus (ou des défauts) qui permirent à l’Occident de faire sa Révolution Industrielle.

Début 1900, les sunnites du Levant s’identifiaient à la classe supérieure de l’empire Ottoman et par conséquent, les ottomans s’occidentalisant, ils s’occidentalisèrent tout autant mais à la façon est-méditerranéenne /Europe de l’est : la classe bourgeoise ottomane chercha davantage, d’un point de vue identitaire, à ressembler aux chrétiens bulgares ou grecs qu’aux allemands ou aux autres européens du Nord. Plus tard, les Sunnites libanais, après que la Turquie soit devenue la Turquie, s’identifièrent avec le Moyen-Orient du fait du mouvement appelé « Arabisme » et changèrent leurs mentalités ainsi que leurs habitudes. Aujourd’hui, les chiites libanais s’identifient de plus en plus avec les iraniens (le peuple, pas le régime) et adoptent un comportement social similaire à celui des iraniens avec un intérêt pour l’étude, l’industrie etc…, qui, ironiquement, malgré le régime théocratique sous lequel ils vivent, est bien plus occidental. Amine Maalouf détecta (comme me l’expliqua le généticien Pierre Zalloua) que les chrétiens du Liban s’identifiaient avec l’Occident et que la différence entre eux et les musulmans ne faisait que s’accroître. Les religions, elles, demeurèrent identiques.

Votre façon de penser change avec votre identité et cela inclut votre approche de la résolution de problème. Même des choses comme le test de QI (qui mesure pour l’essentiel la capacité à obtenir de bons résultats sur ce test en particulier) a conduit à une altération de la hiérarchie des résultats au fur et à mesure que les populations commençaient à s’identifier à des groupes différents de leur groupe d’origine: l’Union Européenne a conduit les résultats des irlandais et des slaves du Sud à converger vers la moyenne.

Dans « Jouer sa peau », j’ai expliqué que les règles diététiques agissent comme des barrières sociales : ceux qui mangent ensemble s’associent. Les strictes règles diététiques juives ont permis de créer des diasporas séparées ce qui en retour rendit possible la survie et évita la dissolution sociale. Maintenant considérez le point suivant : il n’y a rien de particulièrement strict dans le texte sacré de l’islam contre le fait de boire de l’alcool, juste une vague recommandation d’éviter d’être ivre lorsque l’on fait face au Créateur. Mais cela était logique du point de vue des habitudes sociales d’interpréter une telle loi comme un interdit strict afin d’éviter de socialiser avec les Chrétiens et les Zoroastriens quand Bagdad était la capitale du Califat et les que les Arabes étaient en minorité. La mentalité trouva un appui théologique et non le contraire.

Pour finir, nous avons tendance à attribuer les conflits à la religion plutôt qu’à des cultures qui veulent vivre entre elles et séparées les unes des autres. Les « érudits » continuent de débattre des différences théologiques qui séparent les maronites, les nestoriens et les coptes des chalcédoniens orthodoxes gréco-byzantins. Peu comprennent que ces hérésies étaient liées à la haine des gréco-romain des gens de la campagne qui ne partageaient pas l’hellénisme des habitants des villes, ici encore,  pour un statisticien, le marqueur est linguistique : araméen/syriaque ou copte d’un côté, grec de l’autre (ou Rum urbain méditerranéen versus les paysans de l’intérieur ou des montagnes parlant une langue sémitique). Il suffit de trouver un désaccord théologique que peu de non-initiés peuvent comprendre et les foules trouveront un moyen de se séparer selon une ligne de fracture hautement polarisée (considérons l’absurdité de la querelle du filioque ou cette grande séparation entre ὁμοιούσιος et ὁμοούσιος qui divise les identités orientales et occidentales). Même chose avec la fracture irlando-anglaise. Et la séparation entre chiites et sunnites concerne moins la succession du calife que le fait que certains groupes ne voulaient pas faire partie de la Sunna au sens large. Pour mémoire, il y a encore cinquante ans les chiites possédaient la taquiya, une forme de dissimulation gnostique comme les Alévis, les Alawites et les Druzes et l’exotérique doit nécessairement être différent de l’ésotérique afin que personne en vie ne soit en mesure de comprendre quoi que ce soit à la véritable nature du conflit.

Notes

En réponse à cet article, Amin Maalouf m’a écrit pour me dire la chose suivante à partir d’un extrait de son livre Le dérèglement du monde:

« Ma conviction profonde, c’est que l’on accorde trop de poids à l’influence des religions sur les peuples, et pas assez à l’influence des peuples sur les religions. A partir du moment où, au IVe siècle, l’Empire romain s’est christianisé, le christianisme s’est romanisé — abondamment. C’est d’abord cette circonstance historique qui explique l’émergence d’une papauté souveraine. Dans une perspective plus ample, si le christianisme a contribué à faire de l’Europe ce qu’elle est devenue, l’Europe a également contribué à faire du christianisme ce qu’il est devenu. Les deux piliers de la civilisation occidentale que sont le droit romain et la démocratie athénienne sont tous deux antérieurs au christianisme.

On pourrait faire des observations similaires concernant l’islam, et aussi à propos des doctrines non religieuses. Si le communisme a influencé l’histoire de la Russie ou de la Chine, ces deux pays ont également déterminé l’histoire du communisme, dont le destin aurait été fort différent s’il avait triomphé plutôt en Allemagne ou en Angleterre. Les textes fondateurs, qu’ils soient sacrés ou profanes, se prêtent aux lectures les plus contradictoires. On a pu sourire en entendant Deng Xiaoping affirmer que les privatisations étaient dans la droite ligne de la pensée de Marx, et que les succès de sa réforme économique démontraient la supériorité du socialisme sur le capitalisme. Cette interprétation n’est pas plus risible qu’une autre ; elle est même certainement plus conforme aux rêves de l’auteur du Capital que les délires d’un Staline, d’un Kim Il Sung, d’un Pol Pot, ou d’un Mao Zedong.

Nul ne peut nier, en tout cas, au vu de l’expérience chinoise qui se déroule devant nos yeux, que l’un des succès les plus étonnants dans l’histoire mondiale du capitalisme se sera produit sous l’égide d’un parti communiste. N’est-ce pas là une puissante illustration de la malléabilité des doctrines, et de l’infinie capacité des hommes à les interpréter comme bon leur semble ?

Pour en revenir au monde musulman, si l’on cherche à comprendre le comportement politique de ceux qui s’y réclament de la religion, et si l’on souhaite le modifier, ce n’est pas en fouillant dans les textes sacrés qu’on pourra identifier le problème, et ce n’est pas non plus dans ces textes qu’on pourra trouver la solution. »

Pour aller plus loin:

De la Religion

De La Rationalité

De la laïcité

«L’empire est sacré, la religion est civile ; les deux puissances se confondent ; chacune emprunte de l’autre une partie de sa force, et, malgré les querelles qui ont divisé ces deux sœurs, elles ne peuvent vivre séparées. »

Joseph de Maistre

Aux yeux de nombreux Français, la laïcité apparaît comme l’un des joyaux de la couronne républicaine, une avancée qui aurait permis, après des siècles d’oppression et d’obscurantisme, de mettre fin à l’emprise de l’Église sur les consciences et d’ouvrir, pour la France, une nouvelle ère de « progrès » et de liberté religieuse. Or, cette division arbitraire entre « la cité catholique » et la « république laïque » oublie trop souvent de prendre en compte que la seconde ne peut exister que dans le cadre posé par la première.

En effet, le concept même de « laïcité », totalement étranger à la plupart des peuples du monde, n’a pu apparaître et se développer qu’au sein de l’Occident chrétien pour la simple et bonne raison qu’il trouve sa source dans une distinction opérée par le Christ lui même dans les Évangiles. Dans le célèbre passage, des pharisiens tentent de piéger le Christ en lui posant une question sur l’observation de la loi juive :

« Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? Devons-nous payer, oui ou non ? » Mais lui, sachant leur hypocrisie, leur dit : « Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Faites-moi voir une pièce d’argent. » Ils en apportèrent une, et Jésus leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? – De César », répondent-ils. Jésus leur dit : « Ce qui est à César, rendez-le à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Marc 12:17)

Par cette réponse, le Christ évite le piège tendu par les Pharisiens mais surtout, il vient souligner la nécessité d’une séparation claire entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Cette séparation, qui apparaît évidente à nos esprits modernes, marque, à l’époque où elle est effectuée, une rupture profonde avec une société antique où les deux pouvoirs se trouvaient systématiquement confondus. Si les premiers chrétiens reconnaissent l’autorité civile et acceptent d’accomplir leurs devoirs de citoyens (Romains 13), ils refusent en revanche de rendre un culte à toute autre divinité que le Christ, décision qui va leur valoir de sérieux problèmes dans une société romaine où le pouvoir politique se trouve confondu avec le pouvoir religieux, notamment dans le cadre du culte rendu à l’empereur. Présentée aujourd’hui comme un moyen de protéger la société civile de l’ingérence du pouvoir spirituel, la laïcité est, à l’origine, un concept chrétien qui va venir séparer le spirituel, l’Église, du temporel, l’Empire. À terme, cette distinction évoluera en une séparation entre ceux qui font partie de l’Église, le clergé, et ceux qui y sont extérieurs, les laïcs, du latin laicus qui signifie « du peuple ».

Aujourd’hui, grâce aux travaux du philosophe René Girard sur les boucs émissaires, la violence et le sacré, nous comprenons que cette séparation du sacré et du profane permet également aux sociétés qui adoptent la foi chrétienne de sortir de la logique sacrificielle et des cycles de violence mimétique qui caractérisent toutes les sociétés non chrétiennes. En effet, comme l’ont montré René Girard et Monseigneur Gaume, là où il n’existe pas de laïcité chrétienne, les fonctions politiques et religieuses se trouvent confondues, le plus souvent sous la forme du roi-prêtre ou de l’empereur-dieu. Renforcée par ce que Girard appelle la rivalité mimétique, cette confusion va inévitablement conduire à une crise durant laquelle cette figure du roi-dieu sera sacrifiée comme bouc émissaire afin d’apaiser la colère des dieux et rétablir l’harmonie au sein de la communauté.

À l’inverse, le christianisme, par la mort du Christ sur la Croix et sa réactualisation régulière via l’Eucharistie, permet justement aux hommes d’échapper au cercle sans fin de la violence sacrificielle grâce au sacrifice ultime de Dieu lui-même qui vient rendre inutiles et insignifiants tous les autres sacrifices. Dans le même temps, cette séparation chrétienne entre clercs et laïcs permet également d’éviter le retour de cette confusion entre la figure du prêtre et celle du roi, logique que l’on retrouvera dès l’acte fondateur du royaume de France avec d’un côté le pouvoir temporel de Clovis, roi des Francs et de l’autre, l’autorité spirituelle de l’évêque catholique Saint Rémi. Si le roi de France tient son pouvoir de Dieu et prête serment de défendre l’Église et la foi catholique, son autorité se trouve néanmoins limitée à la sphère civile, l’autorité spirituelle demeurant la prérogative du pape.

Pour le plus grand malheur de la France et des Français, cet équilibre entre le pouvoir spirituel et temporel qui perdurera pendant plus de quinze siècle et fera de la France catholique le pays le plus puissant et respecté du monde se trouvera rompu par la Révolution Française. En faisant à nouveau couler le sang du roi, lieutenant de Dieu sur terre et bouc émissaire offert en sacrifice, les révolutionnaires aboliront le pacte millénaire entre la France et Dieu et réactiveront la logique sacrificielle abolie par le christianisme. Ainsi sera rouvert un cycle de violence mimétique dont le peuple français sera la première victime. Entre la Terreur, le génocide vendéen, les guerres napoléoniennes, les deux guerres mondiales et la généralisation de l’avortement (près de 200 000 avortements par an depuis 1975 soit 10 millions de français qui n’ont pas pu naître), jamais le sang des Français n’aura autant coulé que depuis que la France est entrée dans l’ère de la fraternité, de la raison et du progrès.

Non contents d’avoir persécutés les religieux, saccagé cathédrales, église et couvents et d’avoir largement prouvé par l’exemple le lien entre déchristianisation et retour des sacrifices humains, les révolutionnaires réussiront l’exploit de détruire, au nom de la liberté, la laïcité inventée par le christianisme ! En effet, par le décret du 12 juillet 1790, l’Assemblée Nationale va voter la constitution civile du clergé et instituer l’Église constitutionnelle. Dans ce système, l’Église se retrouve placée sous l’autorité du gouvernement et les religieux doivent jurer fidélité à la nation et non au au pape, soit un retour à la confusion pré-chrétienne du pouvoir temporel et spirituel par des révolutionnaires résolument inspirés par l’antiquité romaine. Au delà de son sens politique, « faire une révolution » signifie également « revenir à son point de départ »…

Quelques années plus tard, Napoléon, l’enfant terrible de la Révolution, persistera sur cette voie en se sacrant lui-même empereur- il prendra la couronne des mains du pape- avant d’enlever Pie VII qu’il tiendra en captivité à Savone puis à Fontainebleau. Ce processus de déchristianisation à marche forcée de la France catholique trouvera son aboutissement un siècle plus tard avec la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Sur le plan politique, cette loi rompt avec la logique concordataire pour considérer le catholicisme comme un culte parmi d’autres dont le libre exercice reste garanti. Mais surtout, elle confirme la propriété des biens religieux saisis en 1789 par l’État et organise le transfert des biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable (comme les hôpitaux et les écoles) à des services ou établissements publics. Loin d’être une loi de liberté, cette loi consacre en réalité la déchristianisation de la France et organise un gigantesque transfert de propriété au détriment de l’Église et au bénéfice de l’État.

Où est le problème, nous dirons les défenseurs de la laïcité ? N’est-ce pas une bonne chose, conforme à la doctrine chrétienne elle-même, de reléguer la religion dans le domaine privé et de laisser l’État s’occuper de tout ce qui concerne l’intérêt général, indépendamment de toute influence religieuse ?

Pour répondre à cette question, il faut commencer par expliquer comment la laïcité républicaine a été « vendue » en deux temps aux Français. Tout d’abord, il a fallu les convaincre, et ce fut l’œuvre de tout le XVIIIe siècle, que l’Église était un instrument d’oppression, qu’elle jouissait de privilèges indus et que toute réduction de son influence sur la société ne pouvait être que positive. Ensuite, il fallu leur faire croire que la plupart des institutions dont elle s’occupait-hôpitaux, écoles, hospices- seraient bien mieux gérées par l’État, et surtout que la neutralité de ce dernier en matière religieuse serait le meilleur garant de la liberté des Français.

Disons les choses clairement, cette vision n’est rien de moins qu’un mensonge doublé d’une imposture. Dans les faits, la laïcité républicaine n’a en aucun cas permis de chasser la religion du domaine public mais uniquement de remplacer une religion d’État par une autre. Si la France n’est plus catholique, notre pays possède néanmoins une religion officielle qui est la religion républicaine de la Raison, des Droits de l’Homme et du Progrès. Depuis les Lumières, cette religion mène contre le catholicisme une guerre impitoyable dont la Révolution Française fut la première grande victoire et la loi de 1905, le triomphe définitif. À force de persévérance et de ruse, les enfants de Voltaire sont bel et bien parvenus à « écraser l’infâme ».

La plus grande ruse du Diable étant de faire croire qu’il n’existe pas, cette religion a tout fait pour dissimuler aux Français sa véritable nature et présenter ses dogmes, non pas comme des articles de foi, mais comme des évidences, fruits des lumières de la « raison » et du « progrès ». Après avoir été plongés pendant plus de deux siècles dans ce bain spirituel qui place l’Homme et la raison humaine au centre de toute chose, les Français ont fini par oublier que cette conception n’avait rien d’une évidence et que celle-ci a nécessité l’emploi de moyens considérables pour convertir les Français à cette nouvelle croyance.

Semblable à l’ancienne religion qu’elle a remplacée, cette nouvelle religion civile possède son clergé qu’elle a pris soin de placer dans les médias, la haute administration, la politique, la magistrature, l’éducation et même l’armée. Comme sous l’Ancien Régime, l’appartenance à ce mélange de noblesse et de clergé se révèle indispensable à l’exercice des plus hautes fonctions républicaines. Cette religion possède par ailleurs ses rituels, ses martyrs et ses fêtes, à commencer par le 14 juillet, venu remplacer la fête mariale et nationale historique du 15 août. Pour finir, cette religion a ses églises : les médias ; son catéchisme : les valeurs de la République et son séminaire, l’Éducation Nationale. Sur ce point, difficile de dire les choses plus clairement que l’ancien ministre Vincent Peillon dans son livre “La Révolution Française n’est pas terminée” :

La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement métahistorique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. 

Pensant s’être libérés de la tutelle des curés, les Français se retrouvent désormais, sans même en avoir conscience, sous celle bien plus stricte et intolérante des grands prêtres de la religion républicaine. Rejetant deux mille ans d’histoire française et catholique, les apôtres de cette nouvelle religion prétendent, comme tous les fanatiques et tous les régimes totalitaires, faire du passé table rase pour créer un homme nouveau. Pire, en mettant l’homme et ses désirs au centre de toute chose, en faisant du bien et du mal des propositions relatives et en affirmant, à travers le dogme du « progrès », la croyance en la capacité de l’Homme à dépasser, voire à corriger la Nature, cette religion a montré son vrai visage qui n’est nul autre que celui de Satan.

Alors que le pouvoir de l’Église catholique était visible, celui de cette nouvelle église républicaine demeure caché. Si les dogmes de l’Église catholique étaient assumés, ceux de cette nouvelle église sont présentés comme des évidences et imposés à la population via la propagande éducative et les médias de masse. Si l’enseignement de l’Église catholique est fondé sur la Vérité, c’est à dire sur le Christ ; celui de cette nouvelle église est fondé sur le mensonge, c’est à dire sur le diable. Au nom de l’amour de la liberté, les Français ont soutenu la haine de l’Église et ont troqué une religion saine, sainte et visible pour une religion menteuse, occulte et cachée.

Dans ce cas, nous diront les grands esprits, il suffit de mettre en place une vraie laïcité qui garantirait à la fois la liberté religieuse et reconnaîtrait en même temps l’héritage chrétien de la France. Voilà tous nos problèmes résolus et les Français à nouveau bon amis !

Malheureusement, cette belle idée méconnaît la nature humaine et fait fi des leçons de l’expérience et de l’histoire. En effet, le rapide survol de l’histoire religieuse et politique des sociétés humaines prouve que la laïcité réelle, c’est à dire la neutralité religieuse pour la société et l’État, est en réalité impossible. Par décision de l’empereur Constantin, le christianisme chasse le polythéisme et devient la religion officielle de l’empire romain en 313. Dès que le christianisme s’effondre suite au travail de sape des Lumières et sous les coups de butoir de la Révolution, il est remplacé par la religion républicaine des droits de l’homme, de la raison et du progrès. Et au train où vont les choses, si l’Occident et la France ne redeviennent pas chrétiens, il y a de fortes chances que la religion républicaine finisse elle-même par être prochainement remplacée par l’Islam, religion sacrificielle où le spirituel et le temporel se trouvent confondus et où l’idée même de laïcité se révèle totalement impossible.

En dernière analyse, toute construction politique humaine se trouve toujours fondée sur une doctrine de nature religieuse et la grande erreur de l’homme occidental est d’avoir cru possible de fonder une société uniquement sur la raison humaine. Contrairement à ce qu’affirmait Charles Maurras, tout n’est pas politique mais religieux et le premier terme dépend tout entier du second.

Il faut qu’il y ait une religion de l’État comme une politique de l’État ; ou, plutôt, il faut que les dogmes religieux et politiques mêlés et confondus forment ensemble une raison universelle ou nationale assez forte pour réprimer les aberrations de la raison individuelle qui est, de sa nature, l’ennemie mortelle de toute association quelconque, parce qu’elle ne produit que des opinions divergentes. Tous les peuples connus ont été heureux et puissants à mesure qu’ils ont obéi plus fidèlement à cette raison nationale qui n’est autre chose que l’anéantissement des dogmes individuels et le règne absolu et général des dogmes nationaux, c’est-à-dire des préjugés utiles. (Joseph de Maistre)

Rappelons à ceux à qui cette conception apparaîtrait comme terriblement archaïque que les États-Unis d’Amérique sont a nation under God, que la nouvelle constitution russe fait désormais référence à Dieu, que les dirigeants chinois trouvent leur légitimité dans le « mandat du ciel » et que dans le monde islamique, du Guide Suprême au « commandeur des croyants », tous les dirigeants musulmans affirment tenir leur pouvoir de Dieu. Parmi les nations du monde, seul l’Occident a banni de son univers mental toute référence à un ordre surnaturel et divin et les conséquences de ce choix sonnent davantage comme un terrible avertissement qu’un exemple à suivre.

Le pouvoir vient-il de Dieu (sacre) ou des hommes (élections) ?

La connaissance vient-elle de la seule raison humaine ou peut-elle procéder d’une révélation ?

Existe t’il une vérité absolue ou une simple juxtaposition de perceptions subjectives ?

L’Homme est-il une fin ou un moyen ? La vie est-elle sacrée ou n’est-elle qu’une simple processus biologique et matériel ?

Répondre à ces questions, c’est comprendre que loin d’être religieusement neutres, nos sociétés modernes ont choisi l’Homme contre Dieu pour ensuite prétendre qu’il s’agissait là de la seule option possible. Or,que ce soit par la perte de la morale commune, la remise en cause de toute autorité, les folies du progressisme, la corruption généralisée, la montée en puissance de l’Islam et l’inversion proprement satanique de toutes les valeurs, la volonté de séparer l’Église de l’État, c’est à dire Dieu de la Cité par la laïcité républicaine apparaît comme une expérience ratée doublée d’un colossal échec. Dès lors, la question n’est plus de savoir s’il faut ou non défendre la laïcité mais définir quelle religion doit adopter la France et comment renouer le lien entre Dieu et les Français.

Le paganisme ? Ces croyances dépassées, intégrées et sanctifiées par le catholicisme et dont les principes fondamentaux conduisent inévitablement au retour de l’esclavage ainsi qu’à celui des sacrifices humains? L’Islam ? Cette religion restée prisonnière de la logique sacrificielle ainsi que du monisme primitif et combattue par nos ancêtres durant des siècles? Le bouddhisme ? Cette sagesse du néant dont le nihilisme et la résignation échappent souvent à ceux qui font désormais trôner des placides bouddhas sur leurs pelouses ou leurs tables basses? Le protestantisme, ce « dissolvant universel » qui en rejetant l’autorité du pape et en soumettant les textes sacrées au libre-examen des fidèles a ouvert la brèche dans laquelle se sont engouffrées toutes les erreurs de la modernité? L’anglicanisme ? Cette religion qui « soit est fausse, soit prouve que Dieu s’est incarné pour les Anglais » (De Maistre)? L’Orthodoxie, ce christianisme schismatique qui rejette l’autorité de Rome et refuse de croire que l’Esprit-Saint procède du Père comme du Fils ? Le culte de la Terre-Mère? Ce retour à l’archaïsme du matriarcat sacrificiel primitif, sans parler de toutes les doctrines New-Age qui ne sont qu’un simple voile derrière lequel se cache Satan?

Après plus de trois siècles de propagande anti-catholique, les Français sont prêts à considérer toutes les options sauf celle qui les conduit à retrouver et pratiquer la foi de leurs pères. Dans un texte fondamental, traduit dans le Volume II de nos essais, Nassim Nicholas Taleb explique comment la religion constitue la manifestation de l’identité profonde des peuples et pourquoi les différences théologiques ne sont que des prétextes venant justifier a posteriori des fractures identitaires. Ainsi, sous sa forme traditionnelle, le catholicisme est la religion du peuple français. D’une part parce que cette religion est vraie et sainte ; d’autre part, parce qu’elle constitue l’expression de la nature spirituelle profonde de notre peuple, de son génie et de sa sainteté. Comme il est dans l’ordre des choses qu’un Russe soit orthodoxe, qu’un saoudien soit musulman et qu’un thaïlandais soit bouddhiste, un Français est catholique, même s’il l’a oublié.

Parmi tous les grands peuples du monde, seuls les Français se sont détournés de la foi de leurs pères et ont rejeté la mission qui leur avait été confiée par Dieu. Malgré les avertissements répétés des prophètes, ils persistent depuis plus de deux siècles dans leur erreur et voient ainsi leur pays disparaître sous leurs yeux en refusant de croire qu’il s’agit là du châtiment de tout peuple refusant d’accomplir la volonté du Créateur. Si « aucun Royaume divisé contre lui-même ne peut tenir », les Français, à commencer par leurs élites, doivent comprendre que le salut de la France passe par son unité et que cette unité spirituelle et politique ne peut se faire qu’autour du catholicisme et du rétablissement de l’alliance divine désormais rompue.

Pour sauver leur pays et leur âme, les Français doivent déchirer le voile du mensonge des Lumières et comprendre que la laïcité n’a été qu’une gigantesque escroquerie intellectuelle conçue pour détruire l’Église catholique, couper les Français de Dieu et permettre le règne de Satan sur notre pays. Une France retrouvée peut tolérer des Français qui ne croient pas mais elle n’aura aucune chance de survivre si elle ne remet pas Dieu au centre de tout et ne se retrouve pas clairement et fermement refondée sur des bases chrétiennes. Si cette opération échoue ou si la prise de conscience est trop tardive, la France se désagrégera et les Français disparaîtront.

La République peut être « laïque » ou islamique, la France est catholique.

Pour aller plus loin :

De la religion de l’Homme

De la Rationalité

Du paganisme

Des conflits religieux (Taleb)

Du christianisme (Taleb)

Joseph de Maistre sur le religieux et le politique

René Girard, La violence et le sacré

Monseigneur Gaume, Mort au cléricalisme ou le retour du sacrifice humain

Sylvain Durain, Ce sang qui nous lie/ La fin du sacré

Du christianisme

Extraits de l’article de Nassim Nicholas Taleb publié le 25 août 2022 sur Medium sous le titre « On Christianity ». Ce texte est une préface pour l’édition anglophone du livre de Tom Holland « Dominion –how the christian revolution remade the world » publié en français sous le titre « Les Chrétiens – comment ils ont changé le monde »

Traduit de l’anglais par Stanislas Berton

Tom Holland a un avantage sur les autres auteurs et intellectuels : il possède cette combinaison rare d’une grande érudition et d’une remarquable clarté d’esprit, deux attributs qui semblent négativement corrélés, comme si la présence de l’un entraînait immédiatement la fuite de l’autre. Cela lui permet de détecter des choses que les autres professionnels ne remarquent pas immédiatement ou n’osent pas affirmer en public. Les historiens universitaires, soucieux de leur réputation ou de l’opinion de leurs pairs, craignent de s’éloigner ne serait-ce que d’un centimètre de l’opinion majoritaire, même s’ils savent qu’ils ont raison, ce qui donne un avantage déloyal à certaines personnes. Et ces éclairages, en dépit du fait qu’ils soient difficiles à détecter et à communiquer, apparaissent comme évidents, triviaux même, après coup. C’est ainsi qu’Holland peut être en avance sur son temps sans trop d’efforts : il y a dix ans, pour son livre sur les conditions entourant la genèse de l’Islam, il fut violemment attaqué par le grand prêtre de l’antiquité tardive, le très décoré Glenn Bowersock. Cinq ans plus tard, Bowersock publiait un livre reprenant les affirmations d’Holland.

Tout ce livre [NdT : Chrétiens – comment ils ont changé le monde] repose sur une thèse simple mais aux ramifications importantes. Par le biais d’un mécanisme appelé la distorsion rétrospective, nous regardons l’Histoire dans le rétroviseur et plaquons nos valeurs sur celle-ci de façon rétroactive. Ainsi, nous pourrions être enclins à penser que nos ancêtres, et les gréco-romains en particulier, étaient comme nous, qu’ils partageaient la même sagesse, les mêmes préférences, valeurs, préoccupations, peurs, espoirs et perspectives et tout cela sans l’IPhone, Twitter et le siège de toilette automatisé japonais. En réalité, nous dit Holland, non, non, pas du tout. Nos ancêtres n’avaient pas du tout les mêmes valeurs. En réalité, le christianisme a complètement chamboulé tout l’ancien système de valeurs.

Les gréco-romains méprisaient les faibles, les pauvres, les malades et les handicapés ; le christianisme glorifiait les vulnérables, les humbles et les intouchables et cela jusqu’au sommet de la pyramide sociale. Les anciens dieux pouvaient traverser des épreuves et connaître des difficultés mais ils continuaient d’appartenir au « club » des dieux. Jésus, lui, fut la première divinité ancienne qui connut le châtiment réservé à l’esclave, l’être occupant le rang le plus bas de toute l’espèce humaine. Et le culte qui lui succéda généralisa cette glorification de la souffrance : mourir en inférieur était plus important que de vivre en supérieur. Les Romains étaient sidérés de voir les membres de ce culte utiliser la croix, le châtiment réservé aux esclaves, comme symbole. À leurs yeux, cela devait ressembler à une sorte de blague.

Il est évident que les païens n’étaient pas totalement sans-cœur, il existe des preuves de cités païennes d’Asie Mineure venant en aide à d’autres communautés après une catastrophe mais ce sont des occurrences suffisamment rares pour justifier la règle.

Cette nouvelle religion intégrait également la notion de « jouer sa peau. ». Le christianisme, en insistant sur la Trinité, fit en sorte que Dieu souffre comme un être humain et qu’Il connaisse les pires souffrances qu’un être humain puisse connaître. Grâce à la relation consubstantielle compliquée entre le Père et le Fils, la souffrance n’était pas une simulation informatique pour le Seigneur mais une chose on ne peut plus réelle. L’argument selon lequel « je suis supérieur à vous parce que je subis les conséquences de mes actions et vous, non » s’applique aux humains et, dans ce cas précis, à la relation entre les humains et Dieu. Dans la théologie orthodoxe, cette conception se trouve prolongée par l’idée que Dieu, ayant souffert comme un humain, permet aux humains d’être plus proche de Lui et, potentiellement, de ne faire qu’un avec Lui via la Théosis [NdT : doctrine enseignée par la théologie orthodoxe et catholique orientale qui appelle l’Homme à chercher le salut par l’union avec Dieu].

Irréversibilité

Une fois installé, le christianisme se révéla impossible à déloger et l’état d’esprit nazaréen ainsi que sa structure influença ses adversaires, ses hérésies et tout ce qui tenta de le remplacer, en commençant par l’empereur Julien, et en terminant par les versions les plus récentes de l’humanisme laïque.

Le christianisme fut ainsi légitimé quand Julien l’Apostat, succombant à la distorsion rétrospective, décida de remplacer l’Église du Christ par l’Église des païens avec une organisation similaire incluant des évêques et tout le reste (ce que Chateaubriand appela « les Lévites »). Julien n’avait pas compris que le paganisme était une soupe d’affiliations décentralisées et superposées, individuelles ou collectives, aux dieux.

Ce qui est moins évident, c’est alors que nous avons tendance à penser que le christianisme descend du judaïsme, l’inverse pourrait être vrai. Même la relation mère-fille entre le judaïsme et le christianisme a été récemment remise en question d’une façon convaincante. « S’il n’y avait pas eu de Paul, il n’y aurait pas eu de rabbin Akiva » affirme le théologien Israël Yuval car nous pouvons détecter dans le judaïsme rabbinique la trace manifeste de l’influence chrétienne.

Un peu plus à l’est, l’Islam chiite partage de nombreuses caractéristiques avec le christianisme, par exemple la même approche dodécaédrique, avec douze apôtres, dont le dernier sera associé à Jésus Christ, plus des rituels d’auto-flagellation centrés sur la commémoration si familière des martyrs. Il est possible d’attribuer une origine levantine partagée à ces éléments mais l’influence chrétienne est largement acceptée par les savants islamiques étant donné que l’Islam est rétro-compatible. Dans tous les cas, il est clair que le poste récent de Guide Suprême a été très largement inspiré par la hiérarchie catholique.

Progression

[…]

Le corollaire de la thèse d’Holland est que de nombreuses idées que nous attribuons au progrès social, y compris la laïcité etc…, descendent en ligne directe du christianisme, principalement de sa branche occidentale. Cela inclut, comme nous le verrons, l’athéisme. Mais le christianisme a été lent à faire passer ses valeurs des textes à la mise en pratique et il se peut qu’il s’agisse de l’argument central du livre. Certes, le christianisme glorifie les pauvres mais il fallut dix-sept siècles pour passer du « trou de l’aiguille » chez Matthieu 19:24 à la conception d’un communisme organisé et des divers théories sur la justice sociale [NdT : Sur ce point, il existe une spécificité française bien plus ancienne. A ce sujet, lire  « Économie médiévale et société féodale »  et « Corporations et corporatisme » de Guillaume Travers]. De la même manière, il fallut malheureusement plus d’un millénaire pour passer du « ni esclave, ni homme libre » de l’épître aux Galates 3:28 à sa mise en application.

[NdT : Là encore, la France se distingue car dès 1315, une ordonnance du roi Louis X le Hutin proclame : « Nous, considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs ; et voulant que la chose soit accordante au nom, avons ordonné que toute servitude soit ramenée à la franchise. ». À travers l’Histoire, ce principe fut souvent résumé par la maxime : « La terre de France affranchit ».]

 […]

Les débats

[…]

On entend souvent l’argument selon lequel les chrétiens auraient détruit la production intellectuelle de la période classique tandis que les Arabes en auraient préservé une partie, une affirmation qui peut induire en erreur ceux qui lisent trop de Gibbon et pas assez d’autres sources. Holland a eu raison de remettre en question ce mythe probablement fondé sur des anecdotes réelles mais non représentatives : ces conservateurs « arabes » étaient quasiment tous des chrétiens Syrio-mésopotamiens parlant le syriaque travaillant principalement à partir de la Beit al Hikma, la Maison de la Sagesse, de Bagdad (comme par exemple Ishac ben Honein et Honein ben Ishac) qui réalisèrent des traductions à partir du grec mais aussi à partir de sources araméennes. Ceux qui n’étaient pas chrétiens étaient de récents convertis. Même s’il s’est beaucoup trompé sur les questions de race et d’ethnie, Ernest Renan avait raison d’affirmer que la majeure partie de l’âge d’or arabe était gréco-sassanide. La partie « gréco » était chrétienne.

La laïcité

“La religion” n’a pas la même signification pour les différentes croyances. Le christianisme est le moyen qui a été utilisé pour séparer l’Église de l’État, une autre erreur de calcul faite par Julien et bien d’autres. Gardez en tête le fait que dans les langues sémitiques, le mot din signifie « loi » ce qui en arabe est traduit par « religion » : la plus ancienne comme la plus jeune des religions abrahamiques n’étaient que des lois (l’une locale ; l’autre, universelle). Mais en chrétien araméen, c’est le mot nomous du grec nomos qui fait référence à loi, séparée de la religion. Car Jésus a séparé les deux domaines en disant « rendez à César ce qui est à César » ; un travail complémentaire fut réalisé par la suite par Saint Augustin afin de formaliser la façon de traiter avec le temporel, le spirituel, l’au-delà etc…Cela conduisit à une séparation naturelle entre l’Église et l’État.

 […]

Croyance

Dans son livre, « les Grecs ont–ils cru en leurs mythes ? », le spécialiste de l’Antiquité Paul Veyne, explique qu’en lisant Madame Bovary, il croit à l’histoire et au personnage. Ceci peut expliquer comment Plutarque pouvait se moquer des « superstitions » païennes et terminer sa vie en tant que pieux prêtre de Delphes.

En réalité, la notion de croyance épistémique est totalement moderne et utiliser le mètre-étalon de « la Véritable Croyance Justifiée » n’est pas sans problème. [NdT : Le modèle JTB (Justified True Belief) s’applique lorsqu’une croyance est 1) justifiée par la preuve et cohérente au niveau des données, de la logique et du langage 2) vraie car elle correspond au monde réel 3) effective car nous agissons dans le respect de notre conviction]. En grec, le terme pisteuo signifie « confiance » traduit par credere en latin (lié au terme « crédit » dans le sens d’une transaction commerciale) et même en anglais, « croire » ne signifiait pas à l’origine « croire » mais plutôt quelque chose proche « d’aimer » ou de « chérir ». Dans toutes les langues sémites, amen (Haymen) signifie fidélité et confiance.

Le débat post-Lumières sur la croyance ou non en Dieu est censé être scientifique. Ce n’est pas le cas. C’est plutôt un truc pour les gens qui écrivent sur la science comme R. Dawkins, S. Pinker et tout ce groupe. On demanda un jour au grand mathématicien Robert (maintenant Israël) Aumann, qui travaille au Centre sur la rationalité de l’Université hébraïque de Jérusalem comment il pouvait être à la fois un scientifique rationnel et un juif orthodoxe très pieux et sa réponse fut : « C’est orthogonal ». N.T Wright, le théologien et historien, essaie habituellement d’expliquer que c’est « la mauvaise question. » mais je vais aller au-delà. C’est une question mal formulée.

La notion de croyance scientifique hors du domaine de la science n’est même pas scientifique. Par le biais d’un mécanisme appelé la « révélation des préférences », la prise de décision rationnelle s’intéresse à ce que vous faites et non à ce que vous « croyez ». Le processus par lequel ses croyances sont formulées à l’intérieur de votre crâne ne concerne pas la science. Nous sommes guidés à travers l’existence par des distorsions visuelles et cela serait techniquement irrationnel de chercher à les modifier. [NdT : cette idée capitale  est développée dans l’article de Taleb : «How to be rational about rationality » ]

Dans l’empirisme aux mauvais endroits

[…]

L’ironie est que les modernistes succombent à ce que j’ai appelé l’opium de la classe moyenne, c’est-à-dire les sciences sociales et la spéculation boursière. Ces derniers rejettent la religion sous prétexte qu’elle n’est pas rationnelle pour ensuite se faire avoir par des experts économiques, des conseillers financiers et des psychologues. Nous savons que les prévisions économiques ne sont pas plus rigoureuses que l’astrologie, que les analystes financiers sont plus pompeux mais moins élégants que les évêques et que les résultats des recherches en psychologie ne peuvent pas être reproduits ce qui signifie qu’ils sont bidons.

Mon co-auteur Rupert Read et moi-même avons affirmé, en utilisant des arguments évolutionnistes, que la religion, par ses interdits, permet la transmission intergénérationnelle d’heuristiques de survie et se révèle très efficace pour inciter les gens à adopter certains types de comportements. De façon assez ironique, il a été récemment démontré que la théorie du « nudge », développée par des spécialistes en sciences humaines (et qui valut à Richard Thaler son prix Nobel d’économie), n’était pas reproductible à cause d’un artefact statistique. Non-reproductible est une façon polie de dire qu’elle ne diffère pas de l’astrologie. Écoutez l’évêque, le détenteur d’une sagesse transmise par des générations de survivants et non les psychologues [NdT : Sauf si l’évêque appelle à voter Macron ou défend des positions contraires aux enseignements fondamentaux de l’Église.]

 […]

La désacralisation et Vatican II

Dans son apologie du christianisme, Le génie du christianisme, Chateaubriand répète plusieurs fois que la religion est essentiellement du mystère et du sacrifice (c’est-à-dire « jouer sa peau »). « Dans l’Antiquité, quelle religion n’a pas perdu son influence en perdant ses prêtres et ses sacrifices ? » écrit-il.

Dans les faits, le catholicisme a perdu son autorité morale à la minute où il a mélangé les croyances épistémiques et pistéiques [NdT : qui sont de l’ordre de l’engagement personnel : foi, confiance], en rompant le lien entre le sacré et le profane. L’aggiornamento du second Concile du Vatican au début des années 60 avait pour objectif de « mettre à jour » le catholicisme. L’une des mesures fut de traduire les prières en langue vernaculaire pour remplacer le latin. En faisant cela, c’est quasiment tout l’élément de mystère entourant la religion qui fut supprimé et cela me fait penser à cette soirée à Chicago où je suis sorti en pleine représentation d’un opéra de Verdi après m’être rendu compte qu’il était chanté en anglais.

Car dès qu’une religion sort du sacré, elle devient l’objet de croyances épistémiques. L’athéisme est le fruit du protestantisme et Vatican II s’avéra être une deuxième Réforme.

L’Islam sunnite est aujourd’hui la religion dont la croissance est la plus rapide avec un milliard et demi de croyants, et tous prient en arabe, qui est une langue étrangère pour neuf-dixièmes d’entre eux, en utilisant de surcroît une ancienne version de cette langue (fusha) qui n’est jamais utilisée pour converser par les Arabes. Quand un Marocain veut parler avec un Libanais, ils le font en français ou en anglais, pas en arabe classique. Le judaïsme a survécu avec uniquement des prières en hébreu (et un peu d’araméen dans le livre de Daniel).

[…]

Nassim Nicholas Taleb est un écrivain, un statisticien et un essayiste libano-américain spécialisé dans la prise de décision en condition d’incertitude. Il est l’auteur de plusieurs livres dont « Le Cygne Noir »  « Antifragile » et « Jouer sa Peau » qui font partie de son œuvre en cinq volumes, l’Incerto.  Plusieurs traductions de NNT sont disponibles sur ce site ainsi que dans les recueils d’essais « l’Homme et la Cité – Volume I et II »

Pour aller plus loin :

De la Rationalité

Du skin in the game

De la religion (Taleb)

Des conflits religieux  (Taleb)

De l’intellectuel-mais-idiot (Taleb)

De la dictature de la minorité (Taleb)

Documentaire sur la réforme Vatican II (Mass of the Ages-sous titré français)

Du triomphe de la Croix

Le triomphe du christianisme sur le paganisme, Gustave Doré (détail)

Vous aurez des tribulations en ce monde mais gardez courage car moi, j’ai vaincu le monde” Jean 16:33

Lors de la fête de Pâques, les chrétiens célèbrent la Résurrection du Christ qui vient succéder à l’épreuve de la Passion et à son supplice sur la Croix.  Réduits à sa dimension purement religieuse, la signification philosophique et anthropologique de ces événements échappe bien souvent à ceux qui ne croient pas mais aussi à certains croyants eux-mêmes.

Cette méconnaissance d’une des significations profondes de la mort du Christ sur la croix est d’autant plus regrettable qu’à bien des égards,  les hommes et les croyants du XXIe siècle possèdent  une clé de compréhension qui faisait défaut à ceux des siècles passés.  Cette clé, c’est la théorie du philosophe René Girard sur la violence mimétique et les boucs émissaires.

En résumé, René Girard nous explique que l’humanité se trouve, depuis ses origines, prisonnière de la logique du désir mimétique, c’est-à-dire l’imitation du désir de l’autre. La rivalité étant contagieuse, ce processus d’imitation provoque une escalade qui aboutit inévitablement à une crise mimétique ne pouvant être résolue que par la violence, c’est-à-dire par le sacrifice d’une victime, le fameux « bouc émissaire », contre laquelle l’ensemble du groupe va se coaliser.  

A travers cette grille de lecture, René Girard nous révèle des « choses cachées depuis la fondation du monde », c’est-à-dire la succession des cycles de violences mimétiques, souvent liés au thème du double (jumeaux) ou au sacrifice d’une figure d’autorité (Roi/Dieu) et qui finissent toujours par aboutir par la mise à mort d’un bouc émissaire, une logique que l’on retrouve parfaitement à l’œuvre dans la plupart des grands mythes fondateurs : Caïn et Abel, Romulus et Remus, et plus proche de nous, la décapitation de Louis XVI, victime sacrificielle de la Révolution Française dont la mort vint ouvrir un nouveau cycle de violence mimétique absolument catastrophique pour le peuple français.

Or, nous dit René Girard, il est essentiel de comprendre deux choses.

Premièrement, le cycle de la violence mimétique est entièrement crée et contrôlé par Satan.

Satan a besoin de la violence mimétique car c’est grâce à elle qu’il règne sur le monde, d’abord en créant le «scandale » (la rivalité mimétique)  qui va ouvrir le cycle et ensuite par le sacrifice du bouc émissaire qui va le refermer. Pour René Girard, Satan symbolise ainsi le processus mimétique dans son ensemble et le Christ lui-même ne décrit pas autre chose quand il explique dans l’Évangile de Marc que « Satan expulse Satan ».

Deuxièmement, le peuple hébreu est le premier peuple à avoir eu l’intuition du caractère « satanique » de la violence mimétique comme en témoignent de nombreux récits de l’Ancien Testament comme le sacrifice d’Isaac, les souffrances de Job ou encore la trahison de Joseph par ses frères, récits qui contiennent pour la première fois dans l’Histoire l’idée que le bouc émissaire pourrait être en réalité une victime innocente.

Si cette intuition se trouve présente dans l’Ancien Testament, il faudra en revanche  attendre la venue du Christ et le témoignage des Évangiles pour que le projet de sortir du cycle de la violence mimétique se trouve pleinement réalisé.

Tout d’abord, nous dit René Girard, nous commençons par assister à une répétition du cycle de la violence mimétique telle qu’elle a toujours existé avec la mort et le sacrifice de Jean Le Baptiste qui agit à la fois comme un rappel mais aussi comme une répétition, au sens théâtral, de ce qui va se passer avec le Christ. Une fois ce rappel effectué, nous allons être les témoins d’un nouvel épisode du cycle de la violence mimétique à travers ce moment charnière de l’histoire du monde que constitue la Passion du Christ.

Au début, tout se déroule selon le schéma habituel : le scandale s’est produit et la foule s’est liguée contre le Christ qui endosse à la perfection le rôle du bouc émissaire, « ce roi des juifs » que l’on va sacrifier. Par peur de l’émeute ou de la violence du groupe, tous ceux qui auraient pu empêcher la crucifixion du Christ laissent faire : Ponce Pilate essaie de substituer un autre bouc émissaire, Barrabas, mais finit par se plier au désir de la foule ; l’apôtre Pierre renie le Christ de peur d’être lui aussi sacrifié et le mauvais larron, lui-même crucifié, prend également le parti de la foule contre le Christ. Déterminé de son côté  à aller au bout de son supplice, le Christ comprend parfaitement le cycle de la violence mimétique dont il est la victime : « Seigneur pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Au final, tout est accompli.

Le Christ meurt sur la croix, la crise sacrificielle du cycle mimétique a été menée à son terme et Satan semble, une fois de plus, avoir triomphé.

Mais il se produit à ce moment un retournement de situation unique dans l’Histoire.

En acceptant de mourir sur la croix, le Christ a révélé au monde et de façon définitive la logique de la violence mimétique et le sacrifice ignominieux du bouc émissaire. Satan croyait avoir triomphé mais c’est lui qui, en réalité, se retrouve cloué sur la Croix tandis que le cycle mimétique dont il est le maître se retrouve révélé à la terre entière à travers le récit qu’en feront les Évangiles !  Avant la Passion, l’épisode de la femme adultère nous montre d’ailleurs sans aucune ambigüité que le Christ avait parfaitement compris la logique des cycles de violence mimétique et identifié les moyens d’en sortir.

Ainsi, en endossant lui-même  le rôle du bouc émissaire et en rendant visible à tous la réalité du cycle de la violence mimétique, le Christ s’est sacrifié pour offrir à l’humanité une chance d’en sortir !

Si le concept de « bouc émissaire » nous est aujourd’hui aussi odieux que familier, c’est parce que le christianisme nous a révélé sa réalité et que nous vivons depuis des millénaires dans une civilisation chrétienne fondée sur sa révélation !   En tant que symbole, la croix vient ainsi nous rappeler que le sacrifice a eu lieu une bonne fois pour toute et qu’il est donc inutile de le répéter, tout comme l’Eucharistie nous permet de reproduire le sacrifice et la consommation du corps de la victime (ceci est mon corps, ceci est mon sang).    

Ainsi, comme le dit René Girard à la suite de Simone Weil, l’Évangile est moins une science de Dieu (théologie) qu’une science de l’Homme (anthropologie), c’est-à-dire que grâce à la Bible, l’humanité a pu comprendre la réalité du cycle de la violence mimétique qui la gouvernait depuis des millénaires et s’est ouvert, grâce au sacrifice du Christ et au récit fait par les Évangiles, la possibilité d’y échapper.

A Pâques, l’Occident célèbre ainsi la victoire du Christ sur la mort mais également son triomphe, grâce à son sacrifice, sur le cycle de la violence mimétique symbolisé par Satan.

Ce bref exposé permet donc de mieux comprendre à la fois le génie du christianisme mais aussi le risque que fait courir à notre civilisation le processus de déchristianisation et le retour d’une pensée païenne.

Une société qui rejette le Christ et son exemple se retrouve condamnée à rouvrir le cycle de la violence mimétique qui avait été refermé par sa mort sur la croix. Dans une telle société, Satan peut à nouveau créer des scandales, entretenir, à travers la fiction de l’égalité, la rivalité mimétique du « tous contre tous » et ainsi créer un nouveau cycle  qui ne pourra conduire qu’au sacrifice de victimes innocentes pour restaurer l’harmonie de la communauté et apaiser la colère des Dieux. Dès qu’une société se déchristianise, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne se remette à pratiquer, à plus ou moins grande échelle, les sacrifices humains.

En ce jour de Pâques, les chrétiens célèbrent  la victoire du Christ sur la mort mais ceux qui ne croient pas peuvent également rendre grâce à celui qui s’est sacrifié pour nous révéler la réalité destructrice du cycle de la violence mimétique et toutes ces choses cachées depuis la fondation du monde.

Pour aller plus loin :

English version

La femme adultère (exemple de rupture du cycle mimétique par Jésus)

1- En se mettant en retrait, Jésus refuse d’entretenir la rivalité mimétique

2- Par sa question, Jésus individualise les pharisiens et les sort ainsi de la logique de groupe

Je vois Satan tomber comme l’éclair, René Girard (lecture essentielle)

La Violence et le Sacré, René Girard

Ce sang qui nous lie, Sylvain Durain

De la religion

Des boucs émissaires

Avé César

De la souveraineté

« L’indépendance est un terme qui signifie un désir, qui signifie une attitude, qui signifie une intention. » Charles de Gaulle

Que la notion même de souveraineté fasse aujourd’hui l’objet d’un débat témoigne de façon éloquente de l’abaissement de la France et du niveau de soumission mentale de ses classes dirigeantes. En effet, tout peuple digne de ce nom doit être souverain et cette réalité a été clairement rappelée par Vladimir Poutine le 9 juin 2022 au Forum Économique International de Saint-Pétersbourg.

« Pour revendiquer un certain leadership – je ne parle même pas de leadership mondial, je veux dire de leadership dans n’importe quel domaine, tout pays, tout peuple, toute ethnie doit assurer sa souveraineté. Car il n’y a pas d’entre-deux, pas d’état intermédiaire : soit un pays est souverain, soit c’est une colonie, peu importe comment on appelle les colonies. Je ne vais pas donner d’exemples pour n’offenser personne, mais si un pays ou un groupe de pays n’est pas en mesure de prendre des décisions souveraines, il est alors déjà une colonie dans une certaine mesure. Mais une colonie n’a aucune perspective historique, aucune chance de survie dans cette dure lutte géopolitique. »

Trop souvent limitée à la sphère politique, la souveraineté est en réalité un concept total, un prisme avec lequel l’individu et la société abordent l’existence. Pour être intégrale, la souveraineté doit d’exercer sur les niveaux suivants :

1) Souveraineté sur soi-même

L’homme doit être souverain. Cela signifie qu’il ne doit pas être esclave de ses passions, de ses émotions ou de ses désirs. Exercer une souveraineté sur soi-même signifie être capable de se dominer et de contrôler ses pulsions. Cet état d’esprit trouve son prolongement dans une capacité à évaluer honnêtement nos faiblesses et nos insuffisances et de nous efforcer de les corriger afin de devenir chaque jour un homme meilleur. Un tel travail nous impose de nous évaluer non pas par rapport à ce que nous considérons comme un standard acceptable mais par rapport à un modèle extérieur faisant autorité, soit tout le contraire de cette société moderne qui nous invite à nous prendre « tels que nous sommes ». La souveraineté sur soi-même passe également par le soin apporté à notre apparence ainsi que par le respect des codes élémentaires de la courtoisie, de l’élégance et du savoir-vivre. Avant de penser à sauver la France, il faut commencer par savoir s’habiller correctement, se tenir à table et arriver à l’heure.

2) Souveraineté sur sa famille

À l’échelle supérieure, la famille doit être souveraine, c’est à dire qu’elle doit compter avant tout sur ses membres, leur solidarité et leur capacité de mobilisation plutôt que sur l’État et la collectivité. L’individualisme et l’égoïsme modernes affaiblissent les familles pour mieux détruire leur capacité de résistance et d’autonomie vis à vis d’un pouvoir central, bien souvent lui-même contrôlé en coulisses par des familles organisées en clans. Pour être souveraine, une famille doit être dirigée par un chef dont la sagesse, l’autorité et les décisions sont reconnues et écoutées par tous. Ce rôle de chef de famille doit être exercé par le père, à condition que celui-ci ne confonde pas l’exercice du pouvoir avec la tyrannie et comprenne ses devoirs en matière de responsabilités, de protection et d’assistance qui en sont la contrepartie, sur ce point lire les travaux de Sylvain Durain sur la famille chrétienne. Sous l’autorité du père, la famille doit développer autant que possible sa souveraineté dans tous les domaines : alimentation, éducation, sécurité, information, travail. Mais surtout, ses membres doivent être unis par le sentiment d’appartenir à la même communauté de destins et de défendre ensemble une même idée de l’Homme. Pour ce faire, la famille doit cultiver à la fois ce qui la distingue, haut-faits, traditions, lignage, mais également ce qui la relie à l’ensemble plus vaste auquel elle se rattache : terroir, patrie, religion. Sans familles fortes, enracinées et souveraines, il ne peut y avoir de pays souverains.

3) Souveraineté sur son travail

La France était autrefois un pays de paysans, d’artisans et de commerçants possédant, dans des conditions souvent rudes, une réelle souveraineté sur leur travail. Aujourd’hui, notre pays est devenu un pays de salariés, privés d’initiative, étranglés par les normes et habitués à dépendre de l’État. Or, un pays où l’entrepreneuriat, la prise de risque, et l’autonomie ne sont pas encouragés ne peut pas être un pays souverain. Quand chacun sait ce que gérer ses propres affaires veut dire, non seulement l’indépendance devient un trait de caractère national mais les citoyens se trouvent moins enclins à défendre des grands principes abstraits et à se montrer généreux avec l’argent des autres. De plus, quand tout le monde « joue sa peau », l’entraide et la solidarité ne sont plus des formules abstraites mais des nécessités concrètes pour survivre. Quiconque a déjà créé une entreprise ou porté un projet sait à quel point le soutien et la mobilisation de la communauté se révèlent critiques pour son succès. À l’inverse, un pays où personne n’est vraiment responsable de son travail et où beaucoup de gens perçoivent une rémunération, indépendamment de leurs compétences réelles ou des résultats obtenus, finit par devenir une société dans laquelle l’idée même d’entreprendre, de viser l’excellence ou de prendre en main son destin ne se trouve même plus comprise par une majorité de la population.

4) Souveraineté politique

Quand l’homme est souverain sur lui-même, dans sa famille et dans son travail, alors seulement peut se poser la question de la souveraineté nationale. L’exercice de cette dernière peut se faire de façon démocratique à l’échelle locale où il reste possible de connaître directement les personnes, les enjeux et l’impact des décisions prises sur la vie quotidienne. À l’échelle nationale, la souveraineté doit être entière et un État souverain doit contrôler ses lois, sa justice, sa monnaie, ses frontières, et refuser toute soumission ou allégeance à une puissance étrangère. Un pays souverain doit chercher la plus grande autonomie possible, c’est à dire la capacité à subvenir par lui-même à la plupart de ses besoins alimentaires, énergétiques ou industriels. Sur le plan culturel, la souveraineté se manifeste par un refus de la colonisation mentale par des mœurs ou des codes culturels étrangers et la défense de l’esthétique, des traditions et des modes de vie, testés par le temps et transmis par nos ancêtres, qui constituent l’expression vivante du génie de notre peuple.

Cette souveraineté doit être protégée par une élite chargée de défendre le bien commun et de travailler sur le temps long. Pour garantir sa pérennité, cette élite doit se montrer capable de détecter et promouvoir les talents issus du peuple, de sanctionner et rétrograder ses membres incapables de tenir leur rang et surtout, de neutraliser tous ceux possédant une double allégeance ou susceptibles, par leurs discours, leurs comportements ou leurs opinions, de porter atteinte au prestige ou à l’unité nationale.

Dans le cas de la France, la défense de la souveraineté se révèle également indissociable de la défense de la foi chrétienne. Comme l’écrivait Joseph de Maistre : « Les souverainetés n’ont de force, d’unité et de stabilité qu’en proportion qu’elles sont divinisées par la religion. ». En effet, Dieu a fait les hommes libres et chercher à réduire cette souveraineté revient à défier la volonté du Créateur. Plus spécifiquement, Dieu a confié aux Francs, c’est à dire aux hommes libres, la mission de défendre, partout et en tout temps, la foi et l’Église catholiques :

Comme l’enseignait l’Évêque Saint Rémi à Clovis :

« Apprenez, mon fils, que le Royaume des Francs est prédestiné par Dieu à la défense de l’Église Romaine qui est la seule véritable Église du Christ (…). Il sera victorieux et prospère tant qu’il restera à la foi romaine mais il sera rudement châtié toutes les fois où il sera infidèle à sa vocation. »

Pour être vraiment libre et souveraine, la France doit accomplir la volonté de Dieu et les esprits modernes doivent surmonter ce paradoxe: la vraie liberté consiste à choisir le maître que nous allons servir.

Pour aller plus loin :

Du skin in the game

Jouer sa peau, Nassim Nicholas Taleb

Ce sang qui nous lie, Sylvain Durain

L’esprit familial, Henri Delassus, préface de Sylvain Durain

Joseph de Maistre sur la souveraineté et la religion

Du paganisme

J’ai tendu mes mains tous les jours vers un peuple rebelle, qui marche dans une voie mauvaise, au gré de ses pensées. Esaïe 65:2

Signe des temps, le paganisme a aujourd’hui le vent en poupe et trouve de plus en plus d’adeptes à la fois chez une jeunesse perdue tentée par la sorcellerie mais aussi chez de jeunes identitaires pensant trouver leur salut dans une redécouverte de leur héritage pré-chrétien. De même que pour l’illusion européenne, si nous croyons aujourd’hui nécessaire de réfuter le paganisme c’est parce ce que cette doctrine exerce actuellement une importante séduction sur l’esprit des jeunes gens et contribue ainsi à les détourner de la vraie foi ainsi qu’à entraver le processus de redressement de la France.

Souvent inspirés par la pensée de Nietzsche, les jeunes païens fustigent la foi chrétienne, cette «religion des femmes et des faibles» ayant, selon eux, contribué à affaiblir les Européens en remplaçant l’antique et virile vigueur païenne par l’émolliente bienveillance égalitaire du christianisme. À leurs yeux, un retour au paganisme constituerait ainsi la seule solution pour sauver l’Europe du péril du Grand Remplacement mais aussi pour refonder notre culture sur des bases aussi fortes que saines.

La première erreur des nouveaux païens est de plaquer les défauts de notre époque sur le christianisme, d’avoir confondu la vision déformée par la modernité de cette religion avec sa réalité. Si les propos souvent lénifiants des dames catéchistes et des curés post-Vatican 2 ont pu donner au christianisme une apparence de mollesse et de tiédeur, commençons par rappeler que Jésus n’est pas venu pour nous endormir dans un confort bourgeois mais pour nous secouer et nous adjoindre à partir en guerre contre le mal. Écoutons ce que nous dit le Christ à ce sujet dans l’Évangile de Saint Matthieu :

« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui veut garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la gardera. » (Matthieu 10:34)

Cette injonction à tout risquer pour le Christ conduira les premiers chrétiens à subir l’opprobre puis les persécutions de la société romaine, les premiers missionnaires à partir évangéliser, souvent au péril de leur vie, les tribus barbares des tréfonds de l’Europe, aux croisés de partir reprendre Jérusalem pour la gloire de Dieu et aujourd’hui à de nombreux chrétiens de s’opposer, au mépris de leur carrière, de leur fortune ou de leur confort, à la tyrannie qui s’exerce aujourd’hui sur les corps comme sur les esprits.

En réalité, le christianisme constitue la religion virile par excellence et son ordre repose sur cette remarquable formule « un père dans la famille, un père pour la Nation, un père dans le Ciel » équilibrée par la présence de la femme venant introduire de l’horizontalité dans cette logique verticale. Comme l’a remarquablement démontré Sylvain Durain dans son livre « Ce Sang qui nous lie », ce sont en réalité les sociétés pré-chrétiennes, qu’elles soient primitives ou antiques, qui sont en réalité d’essence féminine car celles-ci pratiquent l’indifférenciation et obéissent au principe du « matriarcat sacrificiel ». Ainsi, le travail de Sylvain Durain nous invite à ne pas confondre l’apparence du pouvoir faussement appelé patriarcal et manifesté par l’exercice, souvent brutal, du pouvoir par les hommes avec la domination réelle de la société via un fond symbolique, sacré et familial d’essence purement féminine  (rôle des vestales à Rome, transmission des qualités par la mère etc…)

En réalité, seul le christianisme, religion de l’incarnation où le Verbe s’est fait chair, offre un chemin pour sortir du régime passé et présent du « matriarcat sacrificiel »  qui, loin d’être un progrès, constitue en réalité un retour aux formes les plus archaïques, primitives et destructrices d’organisations sociales.

En effet, comme l’a démontré le philosophe René Girard, le christianisme, par le sacrifice du Christ sur la croix, a permis à l’humanité de sortir à la fois du cercle de la violence mimétique mais aussi de la logique ancestrale du bouc émissaire. L’intuition de René Girard rejoint sur ce point les travaux de Monseigneur Gaume qui démontra en 1877  dans « Mort au cléricalisme ou résurrection du sacrifice humain » que toutes les sociétés pré-chrétiennes avaient en commun la pratique du sacrifice rituel d’êtres humains.

Ce fait méconnu contribue en grande partie à expliquer la rapidité de la diffusion originelle du christianisme car partout où elle s’implanta la religion chrétienne mit immédiatement un terme à cette odieuse pratique qui persistait encore au Nouveau-Monde avant l’arrivée des colons européens. A l’inverse, comme le souligne Girard, dès qu’une société se déchristianise, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle se ne remettre à pratiquer les sacrifices humains, une intuition là encore malheureusement confirmée par la crise que traverse aujourd’hui l’Occident.

Au-delà de leur pratique du sacrifice rituel, les païens partagent avec les lucifériens, ces mondialistes que pense combattre le paganisme identitaire, d’être possédés par le démon de l’orgueil. Là où le chrétien accepte de s’en remettre entièrement à Dieu et, certain de Son amour, ne cherche qu’à recevoir Sa grâce, le païen entre dans une logique transactionnelle avec la divinité, réalisant des rituels pour recevoir des pouvoirs ou obtenir des faveurs. Pensant retourner à un mode de pensée et de croyance traditionnels, les païens succombent en réalité à cet orgueil  résolument  moderne qui refuse de servir et prétend, à travers une action humaine, exercer une influence sur la volonté et le plan de Dieu. Païens, prenez garde : le paganisme n’est que le masque derrière lequel se cache en réalité Satan, votre adversaire!

Sur les plans culturels et religieux, ceux qui pensent que le paganisme constitue aujourd’hui la seule forme de pensée religieuse capable de revitaliser l’Occident sont invités à relire René Guénon qui, dès 1927, dénonçait cette impasse dans « La crise du monde moderne » :

Nous pensons d’ailleurs qu’une tradition occidentale, si elle parvenait à se reconstituer, prendrait forcément une forme religieuse, au sens le plus strict de ce mot, et que cette forme ne pourrait être que chrétienne car, d’une part, les autres formes possibles sont depuis trop longtemps étrangères à la mentalité occidentale, et , d’autre part, c’est dans le Christianisme seul, disons plus précisément encore dans le Catholicisme, que se trouvent, en Occident, les restes d’esprit traditionnel qui survivent encore.“

Le paganisme contemporain cherche en réalité à revenir à une source qui s’est tarie il y a bien longtemps pour la simple et bonne raison que le paganisme européen originel continue de vivre et d’exister à travers le christianisme en général et le catholicisme en particulier. Qu’il s’agisse des rites, des fêtes, des édifices, des saints ou même d’une figure comme la Vierge Marie, tout l’héritage païen de notre civilisation se retrouve intégré, préservé et surtout sanctifié par le catholicisme. Dès lors pourquoi se tourner vers une forme morte, et de surcroît inférieure, lorsqu’il existe aujourd’hui une forme encore vivante et transfigurée de ces croyances païennes ?  

Pour finir, comme nous l’avons écrit dans “La France Retrouvée“, il existe un lien charnel entre La France et le catholicisme, le peuple français ayant, selon la belle formule d’André Suarès, « l’Évangile dans le sang ». Affaiblir ou rejeter le christianisme, c’est tout simplement rejeter la France et tout ce qui est païen ne peut être que profondément anti-français et c’est d’ailleurs sans doute pour cela que tant de païens identitaires ont substitué la défense de la civilisation européenne à celle de la civilisation française. Ainsi, leur rejet du christianisme conduit les nouveaux païens à un véritable contresens : si la France se trouve aujourd’hui en danger de mort, ce n’est pas à cause du christianisme mais justement parce qu’elle n’est plus chrétienne !

Enfin, à ceux qui nous diront à quoi bon défendre la France si le catholicisme est universel, nous répondrons que le peuple français est le peuple de la nouvelle alliance avec Dieu, alliance scellée en 496 par le baptême de Clovis et que cette tension, voire cette contradiction, entre les exigences du temporel et celles du spirituel se trouve au cœur de l’identité française. Comme l’avait bien compris le très chrétien Charles De Gaulle : «la perfection évangélique ne conduit pas à l’empire».

Concédons aux païens que ce christianisme affaibli et coupé de son héritage populaire et païen par les réformes conduites récemment par l’Église n’a pas contribué à donner une image séduisante de la religion chrétienne et a pu agir sur de nombreux esprits comme un repoussoir. D’où l’importance de souligner que nous assistons aujourd’hui, en France, en Europe et aux États-Unis, à l’avènement d’une nouvelle génération de chrétiens ayant parfaitement intégré que « Dieu vomit les tièdes » et bien décidés à rappeler au monde que le Christ est « le chemin, la vérité et la vie » mais aussi que toutes les aspirations de nos contemporains : quête de sens, recherche de la transcendance, ordre naturel, solidarité organique, défense et respect de la nature, peuvent être parfaitement comblées par le christianisme.

En tant que gardien de ce trésor et dépositaire de cette Bonne Nouvelle (évangile), tout chrétien a donc pour devoir de ne pas laisser le païen ou l’athée, à plus forte raison s’ils sont français, persister dans l’erreur philosophique, politique et spirituelle du paganisme et de les inviter à devenir un frère ou une sœur dans le Christ pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de la France.

Vous aussi, tenez-​vous prêts, parce que le Fils de l’homme viendra à une l’heure où vous ne l’attendrez pas. (Luc 12:40).

Pour aller plus loin :

Entretien Vexilla Galliae

Ce sang qui nous lie, Sylvain Durain

Mort au cléricalisme, Monseigneur Gaume

Le Triomphe de la Croix

De la religion de l’Homme

De la défaite des conservateurs

De la religion de l’Homme

« Car nous ne luttons pas contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais dans les lieux célestes.» Éphésiens 6:12

Dès sa naissance, l’Homme moderne se trouve plongé dans un bain idéologique qui imprègne ses pensées, façonne sa vision du monde et constitue la cause première de l’ensemble de ses maux.  L’habileté suprême de cette idéologie est d’avoir su camoufler sa nature, d’avoir nié ce qu’elle était pour se présenter sous l’apparence séduisante de l’évidence, de l’esprit du temps, de la norme raisonnable  confortablement installée dans le « cercle étroit de la raison ».

Ainsi, la plupart des hommes modernes souffrent et voient le monde qu’ils ont connu s’effondrer peu à peu autour d’eux sans comprendre pourquoi.  Comme Monsieur Bovary, ils pensent que tous leurs malheurs sont « la faute de la fatalité » sans réaliser qu’une idéologie sournoise a infecté chacune de leurs pensées,  de leurs actions et celles de l’ensemble de la civilisation occidentale.

Pour offrir au malade une chance de guérison, il est donc nécessaire de nommer précisément le mal et de lever le voile sur sa nature, ses caractéristiques mais aussi sur les artifices qu’il emploie pour parasiter une pensée saine afin de la rendre pathologique.

Le premier pilier de l’idéologie moderne est l’idée qui veut que l’Homme soit au centre de toute chose. Apparue à la Renaissance, développée durant les « Lumières »  et connaissant aujourd’hui son aboutissement dans notre période dite « post-moderne », cette conception a contaminé l’ensemble des champs politiques, sociaux et spirituels.

Loin d’être simplement pétrie de bons sentiments « humanistes », cette « religion de l’Homme » conduit à rejeter toute notion de hiérarchie ou d’ordre naturel. Cherchant à faire table rase du passé, elle considère le fait d’arracher l’être humain à son héritage, à ses traditions, à ses croyances ancestrales, à ses coutumes comme une « libération ». Opposée  à toute idée de transmission, d’héritage, de transcendance et d’inégalité naturelle, elle affirme que l’Homme est au centre de tout, qu’il s’auto-engendre et que sa volonté et ses désirs constituent la mesure de toute chose. C’est donc sans surprise que cette idéologie, qui, ayant commencé par détruire un ordre social et politique millénaire pour créer et célébrer le citoyen, cet être abstrait, né orphelin, resté célibataire et mort sans enfant, (Renan) trouve aujourd’hui son aboutissement dans le transhumanisme, le relativisme moral et la négation même des réalités physiques et biologiques au nom de la subjectivité et des convenances personnelles. Comme l’avait parfaitement compris et analysé Alexandre Soljenitsyne, cette conception anthropocentrée devenue la base de toute conception politique et sociale explique en grande partie le déclin des qualités morales et spirituelles de l’Occident.

Mais compte tenu de la gravité de la situation, cette analyse n’est plus suffisante.

Pour bien comprendre la nature du mal qui ronge l’Occident, il est nécessaire de bien faire comprendre aux hommes du XXIe siècle que cette « « religion de l’Homme » qui constitue les bases de notre système politique et social est en réalité d’essence satanique et que, depuis plusieurs siècles,  ces fameuses « Lumières » qui éclairent le monde sont en réalité celles de Lucifer, l’ange déchu dont le nom signifie littéralement le « porteur de lumière ».

En effet, comme l’avait parfaitement compris Saul Alinski, sociologue américain et maître à penser de la gauche radicale, Lucifer est le premier rebelle, le premier révolté, celui dont la devise est « Non serviam » (je ne servirai pas) et qui, pour avoir refusé l’ordre naturel en cherchant à prendre la place de Dieu, a été chassé du paradis pour régner sur Terre obtenant ainsi le tire de «Prince de ce monde ». Depuis sa chute, Lucifer n’a cessé de tenter et de tromper les hommes : « Rejette la volonté de Dieu, affranchis-toi de l’ordre divin, crée toi-même ta propre norme, deviens l’instrument de ta propre libération. Signe un contrat avec moi, Satan, et je t’apprendrai à te libérer pour ensuite devenir l’égal de Dieu ».

«Devenir l’égal de Dieu » : tel est le but ultime de cette « religion de l’Homme », de ce projet « humaniste » qui a trouvé dans le progrès technologique de notre siècle les moyens de pleinement s’accomplir. Si ce projet a pu aussi facilement s’imposer et tromper les hommes, y compris un grand nombre de chrétiens, c’est parce que Satan sait à merveille exploiter nos faiblesses et excelle à utiliser les dons de Dieu pour les pervertir et les corrompre. Puisque nous pouvons librement choisir entre le bien et le mal, Satan peut nous tenter et nous séduire ; puisque notre discernement nous permet de comprendre les lois de la Nature, Satan nous murmure que nous pourrions utiliser notre intelligence pour prendre la place de Dieu.

En vérité, l’idéologie moderne et ses « Lumières » ne sont en réalité que les ruses qu’emploie le Diable  pour tromper les hommes qu’il utilise comme autant de pions dans sa guerre contre Dieu. Contrairement à ce qu’affirment nombre de philosophes et de laïcs, le recul de la foi chrétienne n’a absolument pas conduit à bannir le religieux et son « obscurantisme »  de la société mais tout simplement à remplacer une religion par une autre : la religion de Dieu par la religion de l’Homme, le culte voué au Christ par celui voué à Satan. Et pour éviter au plus grand nombre de se rendre compte de la supercherie, quelle meilleure stratégie que de dissimuler ce projet derrière des grands et nobles principes tels que « les Droits de l’Homme », « l’Egalité » et «le « Progrès » ?

Monument des Droits de l’Homme, Paris, Champ de Mars

Le deuxième pilier de l’idéologie moderne est justement cette notion de « Progrès » selon laquelle plus nous respecterions les dogmes de la religion de l’Homme, plus nous augmenterions nos chances d’atteindre le salut. En réalité, loin de nous conduire vers un état social, politique ou même spirituel plus avancé, l’idéologie du Progrès constitue en réalité une régression vers un stade archaïque, primitif et violent.

D’un côté, la destruction de la Nation par le multiculturalisme, aggravé par l’antiracisme dévoyé, aboutit au retour des logiques tribales et communautaires ; de l’autre, la destruction de l’autorité légitime, le rejet des hiérarchies et le refus de la contrainte conduisent à un retour à l’état sauvage, à l’homme isolé et guidé par ses pulsions et ses instincts, ce que l’écrivain Renaud Camus a appelé la Décivilisation, un état social essentiellement caractérisé par le retour de la nocence,  c’est-à-dire la nuisance généralisée.

Sur le plan social et spirituel, comme l’a brillamment démontré Sylvain Durain, la destruction de l’ordre patriarcal conduit non pas à un monde plus pacifique et apaisé mais à un retour au régime primitif et violent du matriarcat sacrificiel qui constituait la norme dans la plupart des sociétés pré-chrétiennes. Cette analyse vient s’inscrire dans la continuité du travail du philosophe et anthropologue René Girard qui nous avertissait que la disparition du christianisme ne pouvait que mécaniquement s’accompagner d’un retour à la logique du bouc émissaire et, en conséquence, du sacrifice humain. Avortements, attaques terroristes, pédophilie, trafics d’êtres humains, guerres sans fin : toutes les horreurs du monde moderne peuvent être considérées comme des sacrifices humains à grande échelle qui, sous couvert de progrès, appartiennent en réalité à un monde marqué par une logique archaïque et primitive où le sang des innocents doit couler pour apaiser les dieux. Et comme l’a montré René Girard, ce processus sacrificiel, alimenté par la violence et la rivalité mimétiques, est entièrement contrôlé par Satan qui en constitue le premier bénéficiaire.

Les défenseurs de l’idéologie du Progrès ont-ils conscience que le retour de cette logique sacrificielle, nécessite des victimes expiatoires et que celles-ci sont toutes désignées : il s’agit de l’Homme occidental,  rendu responsable par son égoïsme, sa cruauté, son racisme et son mode de vie de tous les maux qui frappent la planète et l’humanité ? Et parmi ce peuple occidental, le bouc émissaire idéal ne serait-il pas ce mâle blanc attaché à son identité, à son peuple, à ses traditions, ce « gaulois réfractaire »,  forcément fasciste,  raciste, réactionnaire, touché par une forme aiguë de « lèpre populiste » ?  

Faisons les comptes : depuis l’avènement des « Lumières », combien de bébés occidentaux ont été arrachés au ventre de leur mère, combien d’enfants ont subi des abus et des sévices aux mains de violeurs et de leurs réseaux, combien de soldats sont morts lors de guerres bien souvent inutiles, combien de citoyens ont été tués par la pauvreté, les stupéfiants et la violence économique ? En réalité, ce sont des millions de victimes qui ont été sacrifiées sur les autels des temples de la modernité et si la violence, la cruauté et la guerre ont toujours fait partie de l’Histoire, jamais le sang n’aura autant coulé, jamais autant de victimes n’auront été sacrifiées que durant cette époque « éclairée » par les lumières des faux dieux !

Pour finir, le troisième pilier de l’idéologie moderne est celui de la croyance en cette rationalité, qui se trouve aujourd’hui renforcée par un développement sans précédent des moyens techniques et qui se manifeste de façon concrète dans la soi-disant « rationalisation » des processus d’organisation et de production des hommes et des choses.  En réalité, comme l’a montré le neurologue et psychiatre Iain McGilChrist, la pensée moderne se trouve marquée par la domination absolue de l’hémisphère gauche du cerveau, chargé de l’analytique et du verbal, sur le cerveau droit, chargé de la contextualisation et de la vision d’ensemble.

Sur le plan cognitif et cérébral, ce que la modernité considère comme un progrès constitue en réalité un  véritable appauvrissement et, une fois de plus, s’apparente à un renversement d’une hiérarchie naturelle qui voudrait que le cerveau droit, le Maître, prenne la décision suite aux informations fournies par l’hémisphère gauche, le Serviteur. Concrètement, cette domination sans partage de la logique analytique et rationnelle dans tous les aspects de l’existence a conduit à priver de sens les activités productives,  désormais découpées en tâches partielles, écrasées sous les normes ou réduites à des fonctions inutiles, les fameux « bullshit jobs » décrits par David Graeber. Sur le plan scientifique, la pseudo-rationalisation du processus d’acquisition des connaissances a conduit à conduit à la fonctionnarisation de la recherche et à une confusion totale entre la science (l’observation, la  rigueur dans le raisonnement) et le scientisme (l’apparence de la science via des statistiques, des modèles, des études randomisées en double aveugle).

Sur le plan artistique et culturel, cet appauvrissement cognitif généralisé se manifeste, dans la communication ou le divertissement, par une esthétique de plus en plus simplifiée, infantile et criarde mais c’est avant tout sur le plan architectural, les cubes lisses de verre et de béton ayant remplacé les façades ouvragées aux motifs complexes, que les ravages de la rationalité sur les processus cognitifs se révèlent de façon visible et manifeste.

Ancien et nouveau tribunal de Paris

En réalité, loin de faire grandir et progresser les hommes, l’idéologie moderne les conduit à une ruine sociale, politique et spirituelle totale avec en toile de fond la menace d’un anéantissement complet de notre civilisation et des peuples qui la composent. Pendant que l’homme moderne désespère, Satan ricane de lui avoir joué un si bon tour, tout heureux d’avoir su exploiter son orgueil pour le conduire sur le chemin de sa propre destruction.

Dès lors que faire ?

Quel est l’antidote, où trouver le remède ?

N’en déplaise aux athées et aux laïcs, la seule solution au mal qui ronge l’Occident s’appelle le christianisme. Loin d’être la relique barbare d’une époque révolue, la révélation chrétienne se révèle comme l’antidote parfait et absolu à tous les maux de la modernité.

Quoi de mieux en effet  que la parole de Dieu pour combattre Satan, ses œuvres et ses pompes ?

Face au Diable qui cherche à nous perdre en attisant notre orgueil, accepter Dieu, c’est accepter notre place au sein d’un ordre naturel qui nous dépasse et nous transcende. Accepter Dieu, ce n’est pas chercher à devenir son égal mais plutôt à nous rendre dignes des dons que nous avons reçu de Lui.  Accepter Dieu, ce n’est pas vivre dans la rivalité perpétuelle et dans l’envie mais dans l’amour, la grâce et la paix.

Retrouver Dieu, c’est retrouver la verticalité et le sens de la juste hiérarchie pour refonder notre société selon l’heureuse formule : « Un père dans la famille ; un père pour la Nation ; un père dans le Ciel ». Retrouver Dieu, c’est retrouver cette vision holiste où le tout est plus important que la partie et où le critère souverain n’est pas l’efficacité mais le sens.  Mais surtout accepter et retrouver Dieu, c’est rejeter l’arrogance de l’homme moderne pour reconnaître que nous ne sommes que de simples créatures, de pauvres pécheurs en demande de grâce et en quête de rédemption.

Accepter le mystère de l’Incarnation, c’est accepter la nature du Christ, vrai homme et vrai Dieu et se garder de toutes les hérésies qui ne sont que des succédanées et des perversions de la religion chrétienne. Wokisme, écologisme, satanisme, New Age : autant de chemins qui ne peuvent pas conduire au salut mais bien à la ruine. Charles Maurras affirmait que tout est politique mais en réalité tout est religieux et comme nous l’enseigne l’Évangile de Saint Matthieu, tout arbre doit être jugé à ses fruits et les arbres qui donnent de mauvais fruits doivent être coupés et jetés au feu. Si un arbre doit être jugé à ses fruits, comparons ceux, innombrables et précieux, que nous a légué la civilisation chrétienne à ceux pourris et véreux que nous recueillons en moins de trois siècles d’exposition à l’idéologie moderne.

Pour finir, tous ceux qui pensent que le christianisme est mort devraient se demander pourquoi des moyens aussi considérables ont été déployés depuis plusieurs siècles pour tenter de le tuer. Pour empoisonner durablement une civilisation, ne faut-il pas commencer par discréditer puis détruire l’antidote ?

Prenons donc garde de ne pas nous tromper de combat. Si la souveraineté, le remplacement démographique, l’effondrement économique sont des sujets de première importance, ils ne sont que des conséquences directes de cette idéologie moderne destructrice dont avons présenté ici les principaux piliers. En réalité, la véritable guerre est une guerre spirituelle et pour la gagner, suivons le conseil de Saint Paul, qui dans la lettre aux Éphésiens, nous appelle à revêtir l’armure de Dieu, à brandir l’épée de l’Esprit et à nous protéger derrière le bouclier de la Foi. Alors que Satan pense avoir triomphé, c’est en réalité une nouvelle aube chrétienne qui est en train de se lever sur le monde et c’est de la France, fille aînée de l’Église, que surgira le renouveau.

Pour aller plus loin:

Des boucs émissaires

Du triomphe de la Croix

Metropolis, Fritz Lang, 1927