Du racisme

Si une communauté n’est pas acceptée, c’est qu’elle ne donne pas de bons produits, sinon elle est admise sans problème. Si elle se plaint de racisme à son égard, c’est parce qu’elle est porteuse de désordre. Quand elle ne fournit que du bien, tout le monde lui ouvre les bras. Mais il ne faut pas qu’elle vienne chez nous imposer ses mœurs.” Philippe de Gaulle, De Gaulle mon père, entretiens avec Michel Tauriac.

En France, le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit.

Fidèle à cette logique, l’Assemblée Nationale a voté en 2018 la suppression de toute mention de race dans la Constitution. Or dans le même temps, les « racisés », le plus souvent issus des minorités visibles, revendiquent une appartenance et une culture raciales et exigent un traitement de faveur au nom de ces dernières.  Alors, race ou pas race ?

A cause de la lourde charge historique, morale et politique dont il est porteur, ce débat a pris pour l’essentiel la forme d’un jeu sur les mots. D’un côté, l’étude de plus en plus fine du génome humain a révélé que les différences génétiques entre les populations humaines sont relativement faibles et le plus souvent dues à des adaptations locales liées à des pressions environnementales spécifiques. Mais d’un autre côté, les différences entre « groupes humains » ou « populations » n’en sont pas moins réelles et se manifestent par des caractéristiques physiologiques précises. Par exemple, les noirs africains possèdent une meilleure densité musculaire qui en fait d’excellents coureurs mais également  une forte densité osseuse qui en fait en revanche de piètres nageurs.  Sur le plan des pathologies, alors que les populations noires et moyen-orientales sont touchées par la drépanocytose, les populations occidentales sont plus susceptibles d’être atteintes par la sclérose en plaques.

Les différences physiologiques entre les groupes humains vont au-delà des caractéristiques physiques pour atteindre parfois  le domaine de l’incompatibilité biologique. Il est par exemple impossible de réaliser une greffe de moelle osseuse entre un blanc et un noir et beaucoup plus difficile de réussir une greffe de foie entre ces deux ethnies. Récemment, l’Allemagne s’alarmait de ne pas avoir assez de stocks de sang d’origine extra-européenne car les transfusions entre européens de souche et les nouveaux venus posent des problèmes de rejet et de compatibilité. 

Ces faits sur lesquels la communauté scientifique rechigne à s’exprimer peuvent choquer mais certains considèrent qu’il est temps de faire entrer cette réalité dans le débat public. En 2018, le généticien de Harvard, David Reich, juif et démocrate de surcroît, publia dans le New York Times une tribune qui fit grand bruit. Dans ce texte, Reich affirmait que les différences génétiques entre les populations allaient au-delà de la simple couleur de peau et pouvaient concerner des éléments plus complexes comme la taille, la susceptibilité à certains types de maladie mais aussi le comportement et les capacités cognitives. Pour Reich, il est dangereux et antiscientifique de nier les différences  génétiques parfois significatives entre les différents groupes humains de peur d’encourager le racisme.

En France, cette information fut très peu reprise. Dans le Monde, l’entrepreneur Laurent Alexandre réagit à cette information en affirmant que «  la science doit parfois s’effacer devant le principe d’égalité fondamentale entre les hommes» préférant ainsi défendre le dogme plutôt que de faire avancer la science et oubliant au passage qu’un scientifique doit, comme l’enseignait le physicien Richard Feynman, être habité par une honnêteté foncière et d’accepter tous les résultats, même ceux qui vont à l’encontre de sa thèse.

S’il existe bel et bien des différences génétiques entre les différents groupes humains contribuant, dans une certaine mesure, à déterminer leurs capacités et leurs comportements, il ne faut pas oublier, comme l’a démontré Joseph Henrich, que l’évolution humaine a été façonnée par une coévolution gène-culture ayant rendu l’être humain extrêmement sensible à la notion de culture partagée ainsi qu’aux différences comportementales et culturelles. Dans les sociétés occidentales dans lesquelles, depuis les années soixante-dix, le multiculturalisme a été imposé et présenté comme un souverain bien, c’est en réalité,  au-delà de la question raciale et ethnique, la question de la cohabitation entre peuples de différentes cultures qui se pose.

Dans une étude qui fit grand bruit, le grand sociologue américain Robert Putnam démontra qu’au sein d’un quartier, l’augmentation de la diversité ethnique et culturelle conduisait à l’effondrement de la confiance entre les communautés mais  également au sein des communautés elles-mêmes. Dans le même registre, le sociologue et philosophe finlandais Tatu Vanhanen démontra que les sociétés multiethniques et multiculturelles sont multiconflictuelles et qu’il existe chez l’être humain une tendance naturelle au “népotisme ethnique”. Pour être convaincu de la conflictualité apporté par le multiculturalisme, il suffit de comparer les États-Unis, toujours marqués par la ségrégation et la violence malgré l’avancée des droits civiques, ou le Brésil, autre creuset multiethnique et culturel, à des nations ethniquement et culturellement homogènes comme le Japon, la Nouvelle-Zélande ou la Corée.  

Enfin, sur le plan culturel, le chercheur hollandais Geert Hofstede a démontré et modélisé les différences culturelles fondamentales entre les peuples et les conséquences de ces différences sur leurs formes d’organisation, leur rapport à l’autorité et leur gestion du risque.

Au-delà de ses considérations savantes, comment imaginer une cohabitation harmonieuse entre des peuples dont les postulats philosophiques se trouvent en tous points opposés ? Comment imaginer une cohabitation entre la philosophie de l’émancipation propre à l’Occident et celle de la soumission propre à l’islam ? Entre une civilisation où la religion est avant tout une loi et une autre marquée depuis des siècles par la séparation des pouvoirs temporels et spirituels?

Nier la différence entre les populations humaines et les cultures, c’est nier la véritable diversité du monde et s’interdire de penser les problèmes que celle-ci peut poser.

Soucieux d’assurer la cohésion de son groupe d’appartenance et menacé par des groupes culturellement et physiologiquement distincts, l’être humain n’a pu que devenir « raciste », c’est-à-dire capable d’identifier rapidement les différences ethniques et culturelles et capable de ne faire société qu’avec des individus partageant avec lui, sur ces deux points, des caractéristiques communes. Parfois cruels, injustes et imprécis, les préjugés raciaux ne sont rien de moins que ce que les psychologues comportementaux appellent des heuristiques : des raccourcis mentaux développés au cours de l’évolution pour permettre un jugement rapide sur une situation.

Plutôt que de refuser d’admettre la réalité des différences aussi bien physiologiques que culturelles entre les groupes humains et les problèmes posés par leur cohabitation imposée, certains préfèrent s’accrocher au dogme du vivre-ensemble et continuent à affirmer que « nous sommes tous du même sang ». A ce stade, il ne s’agit plus de science ou de politique mais d’ignorance, voire d’une forme pathologique de dissonance cognitive.

Le refus de reconnaître les différences entre les groupes humains ne pose pas seulement la question de la censure d’une vérité scientifique au nom d’un dogme politico-religieux. Il met aujourd’hui en péril l’ensemble de la civilisation occidentale. Dans les années 30, l’Union Soviétique dénonça la génétique comme science contre-révolutionnaire pour lui préférer le lyssenkisme, science inventée par un paysan, Trofim Lyssenko, décidé à appliquer « la dialectique marxiste aux lois de la nature ».

Condamnés par le régime, des milliers de biologistes et de généticiens furent persécutés et emprisonnés. Les conséquences de ce choix pour l’URSS furent dramatiques. Aujourd’hui, en refusant de reconnaître les différences entre les groupes humains et les conséquences désastreuses de leur cohabitation imposée, l’Occident est en train de mourir d’un lyssenkisme politique.

De l’islam

Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons ; avec nos lois coraniques, nous vous soumettrons” Youssef Al Quaradawi

A en juger par le traitement réservé à l’islam en France, un grand nombre de politiques, de journalistes et de français n’ont jamais eu la curiosité  de lire le Coran ou de s’intéresser à la pensée ainsi qu’à la théologie islamique.

Sur le sujet, il est bon de rappeler quelques notions de base :

1-Pour les musulmans, l’islam représente la révélation ultime, celle qui rend caduque toutes les précédentes (judaïsme et christianisme). Chrétiens et juifs sont dans l’erreur. Pour ne plus l’être, ils devraient se convertir à l’islam. L’athéisme, lui, est considéré comme une abomination absolue.

2-Le Coran est incréé. C’est la parole de Dieu en direct, contrairement aux Évangiles où la parole de Dieu passe par la médiation de l’homme.  Le Coran étant incréé, il s’agit pour les musulmans  d’une perfection absolue.  A ce titre, il ne saurait être soumis à  aucune modification, ni réforme. Dans l’histoire, toute les tentatives de réformer le Coran n’ont jamais abouti ou ont été sauvagement réprimées.

3-Cette loi de Dieu étant une perfection révélée dans le cadre de l’ultime révélation, elle a vocation à s’appliquer à la terre entière.  La paix promise par l’islam, c’est la paix d’un monde entièrement régi par la loi de Dieu, la charia. Quand un musulman dit : «que la paix soit avec toi », c’est une invitation à se convertir à l’islam.

4-Pour l’islam, le monde est divisé en deux domaines. D’un côté, le Dar Al Islam, la demeure de l’islam où la charia est appliquée et où vivent les croyants. De l’autre côté, le Dar El Arb, la demeure de la guerre, que les musulmans doivent conquérir et où vivent les mécréants. Aujourd’hui, l’Europe est considérée comme le Dar El Arb par excellence

5-La conquête et l’agression sont des éléments fondamentaux de l’islam car ils sont encouragés par Allah et le prophète. L’islam s’est diffusée dans le monde via la conquête militaire et dans le Coran, un grand nombre de versets sont sans aucune ambiguïté sur le sort qui doit être réservé aux non-musulmans :

Le Coran, sourate 60, verset 4 « Entre vous et nous, l’inimitié et la haine sont à jamais déclarées jusqu’à ce que vous croyiez en Allah. »

Le Coran, sourate 2 verset 193 : « Et combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah seul. S’ils cessent, donc plus d’hostilités, sauf contre les injustes. »

Le Coran, sourate 4 verset  56-57 : « Certes, ceux qui ne croient pas à nos versets  nous les brûlerons bientôt dans le feu. Chaque fois que leurs peaux auront été consumées, Nous leur donnerons d’autres peaux en échange afin qu’ils goûtent au châtiment. Allah est certes Puissant et Sage ! »

6-Les terroristes ne sont en aucun cas des croyants dévoyés  non représentatifs de l’islam. Au contraire, ils appliquent le Coran à la lettre et respectent scrupuleusement la volonté d’Allah.

Le Coran sourate 47 verset 4 : « Lorsque vous rencontrez les mécréants, frappez-les au cou. Puis quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. »

Le Coran sourate 95, verset 4: « Allah accorde sa préférence à ceux qui se battent plutôt qu’à ceux qui restent à la maison. Il a  distingué ses combattants en leur accordant une immense récompense. »

7-La laïcité ainsi que les droits de l’homme sont  incompatibles avec l’islam. L’islam ne reconnaît  en effet ni la liberté de conscience (l’apostasie y est punie de mort), ni l’égalité hommes/femmes, ni l’égalité tout court (les mécréants ont le statut de dhimmi), sans parler du sort qu’il réserve aux homosexuels et autres « déviants ». L’islam est la religion de la soumission (islam) alors que la civilisation européenne et le christianisme promeuvent l’émancipation.

8-Pour le musulman, les lois de dieu (la charia) priment sur la loi des hommes (la res publica). En islam, il n’existe aucune distinction entre le religieux et le politique, entre le temporel et le spirituel. Le chef politique étant également commandeur des croyants, la laïcité y est impossible. A la lecture du Coran, véritable code civil,  il apparaît clairement que l’islam est un projet politico-juridique sous couvert de religion. Parler d’islam politique est un pléonasme. Par essence, l’islam est politique.

9-Avant même d’être un projet politico-juridique, l’islam est une nation. La nation de l’islam, c’est l’oumma, la communauté des croyants. Même si de fortes dissensions existent au sein de l’oumma, entre shiites et sunnites par exemple, les musulmans sont solidaires contre les mécréants. Comment peut-il y avoir d’appartenance à une communauté nationale si les musulmans se définissent avant tout par leur pratique religieuse?

10 – Qui sont les musulmans “modérés” ? Croient-ils-ou non qu’« il n’y a pas d’autres dieux qu’Allah et que Mahomet est son prophète ». S’ils le croient, ils placent alors  la loi de leur dieu au-dessus de la loi des hommes.  S’ils ne le croient pas, ils ne sont pas musulmans. De plus, le jour où les « radicaux » voudront imposer l’islam en France, les « modérés » seront-ils  majoritairement du côté des mécréants ou de leurs frères musulmans ?

11-L ’ « islam des lumières » vanté par certains a toujours été ultra-minoritaire. Toute les tentatives de réformer l’islam ou d’en sortir (Ataturk en Turquie, Nasser en Egypte) ont échoué. L’islam qui s’impose est toujours le “vrai” islam, le plus fidèle à la lettre comme à l’esprit du Coran. C’est d’ailleurs cette version qui est diffusée avec des moyens considérables par les monarchies pétrolières comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar.

12- En France, les musulmans se sont déjà vus offrir l’occasion de pleinement s’assimiler. En 1870, les décrets Crémieux proposèrent aux algériens l’obtention de la nationalité française en échange du rejet de l’islam. Contrairement aux juifs, les musulmans algériens préfèrent conserver le « statut personnel », la charia, plutôt que de devenir pleinement français. Si les musulmans ont refusé de s’assimiler en 1870 pourquoi le feraient ils en 2019?

13- En France, l’assimilation ne progresse pas. Selon un récent sondage, 27% des musulmans  pensent que la charia devrait primer sur les lois de la République. Ce chiffre monte à près de 50% pour les jeunes générations.  Notons également qu’entre 1989 et aujourd’hui,  la proportion de musulmans allant prier le vendredi à la mosquée a doublé s’établissant aujourd’hui à près de 40%. Toutes les études confirment que les jeunes générations sont bien plus religieuses et radicales que celles de leurs parents.

14-Dès son origine, l’islam a su avancer masqué à chaque fois qu’il était trop faible pour s’imposer. Pour ce faire, il a développé un principe dissimulation stratégique: la taquiya. La taquiya permet aux musulmans de prétendre respecter les règles de la société d’accueil jusqu’au moment où ils se trouvent assez forts et nombreux pour prendre le pouvoir et imposer la loi islamique. Le mouvement des frères musulmans est passé maître dans cet art. 

15-En réalité, il existe deux Coran: le Coran de la Mecque et le Coran de Médine. Le premier a été rédigé à l’époque où Mahomet et ses disciples se trouvaient en position minoritaire. Il est celui qui contient tous les versets appelant à la tolérance et à la concorde sur lesquels s’appuient ceux qui présentent l’islam comme une religion de paix et d’amour (sourate 2 verset 256 par exemple). Ceux ci oublient de dire que ces verset ont été abrogés par le Coran de Médine, “coran de combat” rédigé après l’Hégire alors que Mahomet, désormais en exil, devient un véritable chef de guerre et appelle sans ambiguïté à la soumission et aux massacres des mécréants (versets 5 et 29 dits “de l’épée” de la sourate 9). La règle de l’abrogation (Nâskh oua Mansûkh) permet de prendre uniquement en considération le dernier verset révélé, celui de Médine, et donc d’entretenir en permanence un double discours visant à duper les mécréants.

16-l’islamisation de l’Europe est un projet prévu de longue date, à la fois par le mouvement des Frères Musulmans mais aussi par les nations islamiques elles-mêmes . Réunie à Doha en 2000, l’organisation de la coopération islamique a publié un document dans laquelle elle détaille les actions à mener pour islamiser l’Europe : construction de mosquées, lobbying, voile dans l’espace publique, enseignement de l’arabe à l’école etc…

17-Incapable de l’emporter dans le cadre d’un affrontement direct, l’islam a développé une double stratégie pour conquérir l’Europe vieillissante : la démographie et les droits de l’homme. Comme l’a dit le président algérien Boumedienne en 1974 “le ventre de nos femmes nous donnera la victoire” et comme l’a dit le prédicateur Youssef Al Quaradawi “Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons ; avec nos lois coraniques, nous vous dominerons.”

Si la France ne veut pas devenir une république islamique, il va falloir qu’elle ouvre les yeux et qu’elle comprenne que face à l’islam, seules deux attitudes sont possibles: se soumettre ou se battre.

Pour aller plus loin:

Le Projet, Alexandre del Valle (L’Artilleur)

Islam et judéo-christianisme, Jacques Ellul (PUF)

Stratégie de l’action islamique culturelle à l’extérieur du monde islamique

De la bienveillance

“Il n’y a pas de trêve avec les Furies/ Ton visage si bienveillant/Est le drapeau blanc qu’elles ignorent”

R.S. Thomas

C’est un ajout récent à la novlangue de l’époque que l’on retrouve à toutes les sauces et sur toutes les langues.

Aujourd’hui, rien ne semble plus important que de cultiver sa bienveillance. Pas un politique, un journaliste, un psychologue, un manager ne manque à l’appel pour nous rappeler l’importance d’être bienveillant.

La bienveillance : un mot bonbon pour une époque guimauve qui ne sait plus que mâcher mou.

En réalité, cette injonction permanente à la bienveillance devrait nous inquiéter.

En psychologie, plus un mot est employé, plus il cache en réalité son contraire.

Les métropoles dites apaisées sont celles où la criminalité est la plus grande et les parangons de vertu affichée sont souvent ceux qui, en privé, succombent aux plus grands vices.

L’appel à la bienveillance, c’est la réponse à la véritable dureté de l’époque, à sa violence, à son hypocrisie. Cet appel désespéré à la bienveillance, c’est demander un cocon, un refuge, un répit.

Arrêtez le massacre s’il vous plaît ; soyez bienveillant, je vous en prie.

Naïveté de l’époque qui croit qu’il suffira d’appeler à la bienveillance pour être épargné.

Si l’époque est mauvaise, les valeurs dévoyées et les chefs incapables, alors il faut reformer tout cela, par la force si nécessaire. Ce n’est pas en appelant à la pitié, autre nom de la bienveillance, que les choses risquent de changer.

Car cette bienveillance est un poison qui nous affaiblit et nous tue à petit feu.

Tous les systèmes vivants sont régis par des boucles de renforcement positives ou négatives.

Confronté à un choc ou à une agression, un système peut durcir la zone attaquée ou faire comme ce ver de terre décrit par Nietzsche qui se recroqueville davantage pour réduire ses chances de se faire à nouveau piétiner.   La bienveillance, c’est la deuxième option.

Notre corps est plus sage que nous. Attaqué par des virus ou des bactéries,  il développe des défenses immunitaires et fait monter notre température pour tuer l’envahisseur.

Promouvoir la bienveillance, c’est à l’inverse devenir comme ces américains obsédés par les germes qui cherchent à vivre dans les environnements les plus aseptisés possibles et qui finissent par ne plus avoir la moindre défense immunitaire. C’est aussi devenir comme cette nouvelle génération d’étudiants désormais incapables de supporter un débat un peu vif ou un remontage de bretelles en règle et qui se réfugient dans des safe space sur les campus ou se sentent agressés par la moindre critique.

« Tout ce qui ne te tue pas, te rend plus fort » disait Nietzsche.

Ou comme le disait mon arrière-grand père, boulanger de son état : « Si tu ne supportes pas la chaleur, ne rentre pas dans le fournil ».

Ce n’est pas la bienveillance qu’il faut demander mais l’estime et le respect.

Ces derniers ne sont pas dus, ils se méritent et ils se gagnent.

Au lieu de nous affaiblir, ils nous renforcent.

Au lieu de nous ramollir, ils nous endurcissent.

Etre contre la bienveillance, c’est en réalité rendre un immense service à notre époque.

Les temps qui viennent vont être durs, très durs.

Le monde qui vient n’est pas celui de la bienveillance mais de la guerre et de la lutte.

Alors au lieu d’appliquer la pommade dérisoire de la bienveillance sur les petits bobos de nos esprits fragiles, nous ferions mieux d’apprendre à prendre des coups et à en donner.

Pour aller plus loin:

Deadwood

De l’information de la matière

A en croire, les « experts » l’économie serait avant tout une question de taille.

Nous vivons dans un monde où les fusions et acquisitions d’entreprise sont saluées par les marchés, où l’Union Européenne est présentée comme un moyen de « peser » face à la Chine et où les décideurs politiques répètent à l’envi qu’une « puissance moyenne » comme la France ne peut plus prétendre exercer une influence décisive sur les affaires du monde.

Ce type de raisonnement, malheureusement fort répandu, témoigne d’une méconnaissance complète des mécanismes qui régissent la création de la valeur et de l’influence.

Dans ses livres « La Nouvelle Grille » et « Eloge de la Fuite », le neuropsychiatre Henri Laborit a proposé une théorie remarquable de l’action humaine ainsi qu’une explication de la « préférence pour l’abstraction » dans la constitution des hiérarchies. Selon Laborit, la seule chose qui compte dans toute activité humaine, c’est la façon dont nous « informons la matière », c’est-à-dire la quantité mais aussi la qualité d’information que nous injectons dans une action donnée.

Pour être bien comprise, cette notion très abstraite  mérite quelques exemples concrets.

Les journées ont 24h pour tout le monde. Or, en 24h, certains se contenteront de manger et de dormir tandis que d’autres construiront des machines ou écriront des pages de poésie qui traverseront les siècles. A un niveau fondamental, explique Laborit, la différence entre ces différentes formes d’utilisation de l’énergie réside dans la façon dont la matière aura été informée.

Celui qui se contente de manger et de dormir suit simplement l’information contenue dans ses gènes laquelle vient ensuite informer son système cérébral et hormonal.  A l’inverse, celui qui construit une machine rajoute des couches d’information supplémentaire : il doit posséder la dextérité suffisante née de la pratique ou de l’exemple d’un maître (transmission de l’information), il doit posséder des outils (matière dans laquelle de l’information a été injectée pour les façonner), il doit posséder une connaissance des propriétés des matériaux qu’il travaille et enfin, à un niveau d’abstraction ultime, il connaît les lois de la physique et de la chimie qui régissent l’univers ce qui lui permet d’informer de façon encore plus précise son action.

Pour Laborit, plus la matière est « chargée » d’information de qualité plus l’action est efficace et l’influence grande.

Prenons un autre exemple : le choix d’un divertissement de deux heures.

Un spectateur A  va regarder une émission de divertissement classique à la télévision.

Un spectateur B va jouer à un jeu vidéo de résolution de puzzle.

Dans le même laps de temps, le spectateur B se divertira mais fera travailler ses réflexes, sa coordination œil-main, sa capacité de résolution de problème, son orientation visuelle et spatiale et s’il a choisi de jouer en anglais, il pratiquera un apprentissage passif de la langue.  Sur la même durée de divertissement, l’expérience du spectateur B sera beaucoup plus riche en informations.

Pour toutes les actions et les destinées humaines, la différence se joue sur la façon dont nous informons la matière. Plus, la matière est « chargée » en information de qualité, plus nous en retirons des bénéfices.  Pour Laborit, ceci explique pourquoi toutes les hiérarchies humaines pratiquent la « prime à l’abstraction »: plus nous allons vers l’abstraction et les lois générales, plus nos actions reposent sur des couches et des couches d’information accumulées.

A cette théorie, j’ajouterai le commentaire suivant :

Plus nous sommes proches des lois de la Nature, plus nous informons avec succès la matière.

Si nous connaissons les lois d’anatomie humaine, nous pouvons soigner plus efficacement. Si nous connaissons les lois de la physique et de la chimie, nous pouvons construire des outils plus efficaces.  Si nous connaissons les grandes lois anthropologiques et psychologiques, nous pouvons mieux diriger les hommes. Si nous connaissons les lois de la Nature, nous pouvons vivre comme des sages. Confucius, de même que les présocratiques, avait compris cela de façon intuitive :

« A soixante dix ans, j’agissais en toute liberté sans jamais transgresser aucune règle ».

Pour informer efficacement la matière, il faut observer le monde et déterminer les lois qui le régissent. C’est l’essence même de la méthode scientifique, qui reste à ce jour la meilleure méthode pour extraire de l’information de qualité et la transmettre. Notons cependant que certaines lois, comme celles de la physique quantique ou de la psychologie, ne peuvent pas être saisies par une conception trop étroite de la logique. Comme l’a très bien expliqué Nicholas Taleb, certaines choses sont logiques, même si, en apparence, elles ne semblent pas être rationnelles. Le Zen par exemple, nous enseigne que pour agir efficacement, il faut justement ne pas chercher à agir, paradoxe apparent qui cache en réalité une compréhension fine et empirique des automatismes cérébraux et de ce qu’on appelle aujourd’hui l’état de « flow ».

Cette recherche permanente de l’information de qualité suppose d’établir des hiérarchies et de faire le tri  entre la camelote qui contient de l’information de faible qualité et la pépite qui en contient de grandes quantités. Pour dire les choses autrement, il vaut mieux  lire Balzac ou Dostoïevski que le dernier roman de gare à succès. Cette recherche implique  également de se défier des systèmes politiques ou culturels qui produisent de l’information de mauvaise qualité ou empêchent d’en acquérir de la bonne.  Les croyances religieuses peuvent par exemple se révéler très intéressantes sur le plan de la psychologie et de la cohésion du groupe mais peuvent aussi empêcher la compréhension des lois de la  nature et bloquer l’acquisition d’informations nouvelles sur le monde.

Par conséquent, il est absurde de réfléchir en termes de taille. La mesure clé devrait toujours être celle de la « densité informationnelle ».

Sur le plan politique et culturel, le peuple juif constitue la preuve vivante de la validité de cette théorie. Petit par la taille, quelques dizaines de millions de personnes, ce peuple de survivants exerce depuis des millénaires une influence décisive sur les affaires du monde : fondateur de deux grands  monothéismes (n’oublions pas que Jésus était un juif qui s’est rebellé contre la loi juive), banquier des rois (Fugger, Rothschild), maître des arts (Kubrick, Spielberg), des sciences (Einstein, Kahneman) et du commerce. Malgré sa petite taille, le peuple juif a joué un rôle considérable dans l’histoire de l’Humanité. Comment ? En informant correctement la matière.

En effet, il est remarquable de constater que le peuple juif a su, au cours des millénaires de son histoire, injecter de l’information de qualité dans son ADN culturel :   exposition volontaire à une pression évolutive forte en se déclarant « peuple élu », solidarité communautaire forte via des rituels excluant les goyim,  identité spécifique et fierté vis-à-vis de cette dernière , culture qui valorise la connaissance et l’esprit critique plutôt que l’obéissance aveugle.  A tous les niveaux, la culture juive a su accumuler un ensemble de mèmes particulièrement adaptés ce qui explique à la fois sa survie mais aussi sa prééminence.

De leur côté, l’Europe et notamment la France, exercèrent également une influence décisive sur l’Histoire du monde en dépit de leur faible taille.

Le monde doit à la France la première université, la première faculté de médecine, l’invention du vaccin, du moteur à explosion, du cinéma et de la photographie pour ne citer que les inventions les plus connues et les plus spectaculaires. Pendant des siècles, ce petit coin de terre située au bout de l’Europe fut un concentré de génie capable d’influencer durablement la marche du monde. Recevant les jésuites envoyés par Louis XIV à sa cour, l’empereur de Chine fut tellement impressionné qu’il désigna la France comme « le pays du Lys et de la Méthode ».

Si les choses ont bien changé, ce n’est pas parce que la France est devenue un  « petit pays » ou une « puissance moyenne », c’est parce que fonctionnant désormais sur un mauvais logiciel culturel transmettant de mauvais mèmes et privée d’un chef capable d’en changer, elle n’arrive plus à “informer correctement la matière”.

Du leadership

On guide les moutons, on conduit le bétail, on mène les Hommes. Soyez le chef que je vais suivre, suivez le chef que je suis ou écartez-vous de mon chemin.

George S. Patton

Dans une langue, les mots représentent toujours la partie émergée de la pensée.

Pour ce qui concerne l’autorité ou la direction, le français part toujours de la tête (capita) qui nous donne le mot « chef ». Le chef commande, dirige ou encadre. Placé à la tête du corps social, il ordonne et les membres obéissent. Pour la langue et la pensée française, l’autorité est verticale et s’inscrit dans un ordre « naturel » ainsi que dans une logique géométrique qui se retrouve également dans l’architecture classique et les jardins à la française.

L’approche anglaise est toute autre.

En anglais, le chef est un « leader » et « to lead » signifie conduire, guider, mener.

Le leader n’est pas une tête placée  « en haut » mais un guide placé  « devant ». Posté en première ligne, non seulement le leader s’expose davantage mais pour que les autres le suivent, il doit être capable de les entraîner à sa suite. Pour la langue et la pensée anglaise, l’autorité est horizontale, dynamique mais surtout, elle n’est jamais totalement acquise car elle ne procède pas d’un ordre « naturel ».

Ces différences radicales  dans l’approche et la conception du leadership expliquent en grande partie pourquoi les managers français sont, années après années, systématiquement classées parmi les plus mauvais au monde et pourquoi le monde anglophone est parvenu à imposer son modèle et sa domination économique à l’ensemble de la planète.

Tout le paradoxe de la culture française, comme l’a démontré Geert Hofstede,  est d’être à la fois individualiste mais en même temps marquée par la distance hiérarchique et le concept d’honneur.

Ces traits étaient parfaitement adaptés à un peuple de paysans, de petits commerçants, d’artisans et surtout de soldats dirigés par un roi, institution prenant en charge de façon quasi-exclusive les questions de leadership. Mais aujourd’hui, dans une république et dans un monde où l’économie et l’entreprise occupent un rôle central, cette absence de véritable culture du leadership  en France contribue grandement à son affaiblissement et à sa perte d’influence.

 Les Français ne seront jamais des anglais et des américains et c’est une véritable absurdité de croire qu’il soit possible ou même souhaitable de chercher à modifier l’ADN culturel des peuples.

 Le leadership est-il donc incompatible avec cette anthropologie française ?

Napoléon Bonaparte apporte sur ce point le plus brillant des contre-exemples.

Ennemi juré des anglais, Napoléon sut  appliquer, parfois même bien mieux qu’eux, des principes de leadership qui sont encore enseignés aujourd’hui dans les meilleures écoles de management.

Quelles sont les caractéristiques qui distinguent le leader d’un bon chef ?  

En premier lieu, un leader comprend que le leadership est bien plus qu’une formule creuse de séminaire pour cadre dirigeants. C’est une façon de vivre, un filtre avec lequel on regarde le réel.

Comme le dit John Maxwell, les leaders abordent tous les sujets avec un regard de leader.

Que cela signifie t’il concrètement ?

Tout d’abord, les leaders voient ce que les autres ne voient pas.

Pensant toujours à long terme, ils détectent l’opportunité et devinent le véritable potentiel d’une personne ou d’une idée. Brillant officier d’artillerie, Napoléon vit comment utiliser le siège de Toulon puis la campagne d’Italie pour se forger une réputation nationale et surtout comment profiter des troubles nés de la révolution française pour prendre le pouvoir et faire de la France un nouvel empire romain.

Surtout, le véritable trait distinctif du leader se trouve dans son rapport aux autres.

Un vrai leader comprend et applique les règles suivantes :

1-Le potentiel d’un leader est déterminé par les gens dont il s’entoure

Un leader est toujours à l’affut des talents. Dès qu’il en repère un, il cherche à l’intégrer le plus rapidement possible à son organisation. Combien de jeunes et brillants soldats furent sortis du rang par Napoléon pour devenir maréchaux, ducs et même rois dans le cas de Murat ou Bernadotte ? Même si ces derniers représentaient une menace pour lui, Napoléon préférât travailler avec des esprits brillants comme Talleyrand et Fouché  car il savait qu’un leader entouré de médiocres devient lui-même médiocre.  

2-Un leader assuré n’a pas peur de donner du pouvoir aux autres

Une fois la confiance acquise, le leader n’a pas peur de déléguer et de laisser une large autonomie à ses collaborateurs  tout en fixant un cadre clair et des objectifs précis. Napoléon développa une doctrine militaire laissant une grande autonomie à ses corps d’armées et à ses généraux leur permettant ainsi de prendre de vitesse des adversaires beaucoup moins agiles et plus lourds à manœuvrer.

3-Un leader sait qu’il faut un leader pour faire naître un leader

Au début de son parcours, le leader cherche des mentors qui vont l’aider à devenir  un leader en lui confiant des responsabilités.  Par la suite, il deviendra lui-même un mentor pour une nouvelle génération de leaders. Au début de sa carrière, Napoléon se plaça sous la protection de Barras qui lui confia ses premières responsabilités. Devenu général puis  premier consul, il n’aura de cesse d’essayer de faire émerger des leaders, que ce soit parmi ses généraux ou dans sa propre famille.

4-Un leader comprend que pour progresser, il faut être capable de sacrifier.

Un leader doit être capable de se détacher des notions de statut, de carrière et même parfois même faire des sacrifices financiers pour atteindre par la suite une position d’influence et de leadership plus importante. Qu’il soit général ou empereur, Napoléon alla toujours risquer sa vie sur les champs de bataille pour être au plus près de ses troupes. Un autre leader, De Gaulle, général et sous-secrétaire d’Etat à la défense, prit le risque de tout perdre, il fut même condamné à mort par Vichy, pour devenir  leader de la résistance. Un grand leader a toujours du « skin in the game ».

5-Un leader n’a réussi que dans la mesure où il a trouvé quelqu’un pour lui succéder.

Véritable mentor, il cultive en permanence un vivier de jeunes leaders afin que l’organisation qu’il a créée ne connaisse jamais une crise de leadership et survive à son départ ou à sa mort. Même s’il échoua sur ce point, Napoléon  fit tout ce qui était en son pouvoir pour assurer la pérennité de sa dynastie. Il créa une noblesse d’empire, plaça sa famille et ses maréchaux sur les trônes d’Europe et épousa la fille de l’empereur d’Autriche qui lui donna un fils : le roi de Rome.

Napoléon, comme tous les grands leaders, avait compris une chose essentielle.

« Un chef additionne ses forces en s’entourant de disciples ; un leader multiplie les siennes en s’entourant de leaders. »

Aujourd’hui, l’absence de véritable culture du leadership fait des ravages en France,  aggravés par l’incompétence des élites et la vision court-termiste de l’époque.

De nombreuses entreprises pourtant performantes doivent fermer ou sont reprises par des investisseurs étrangers car leurs dirigeants n’ont pas correctement prévu leur succession. Peu valorisés et mal soutenus, les Français les plus brillants partent à l’étranger où une véritable culture du leadership les identifie et leur confie des responsabilités. Sur le plan politique, les anciens partis désormais moribonds vont d’échecs en échecs incapables de faire émerger un nouveau leadership tandis que l’opposition reste prisonnière  d’un milieu, d’une famille ou d’un clan.  Enfin, au lieu de confier des responsabilités aux leaders de demain, la génération du baby-boom s’accroche à ses postes, à ses prébendes et à ses privilèges.

Un pays sans leaders est un pays sans avenir et la France attend désespérément le vrai leader qui viendra redresser la barre et la sauver du naufrage.

Pour aller plus loin :

Les 21 lois du leadership, John Maxwell

L’art de la guerre et du commandement de Napoléon

De la dédiabolisation

Les cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie – Ilia Répine

« Ils m’ont condamné à vingt ans d’ennui/ Pour avoir essayé de changer le système de l’intérieur »  chantait Leonard Cohen. Les partis politiques ou les candidats qui décideraient de se rendre plus présentables aux yeux de l’opinion publique en adoptant des stratégies de dédiabolisation feraient bien de méditer les paroles du poète.

Même si la politique, comme l’art de la guerre, reste fondé sur la dissimulation, aucune victoire n’a jamais été remportée en refusant de désigner clairement l’ennemi et aucun mouvement politique de rupture n’a jamais réussi à l’emporter en jouant le jeu du système auquel il prétend s’opposer.  

Comment cela s’explique-t-il ?

Tous les groupes humains sont fondés sur des hiérarchies. Même si les élites sont détestées et méprisées, le peuple sait que ce sont elles qui, malgré tout, définissent quelles idées et quelles opinions peuvent vous valoir d’être exclu du corps social. Par conséquent, toute véritable rébellion  commence toujours par contester au groupe dominant son statut et par le refus de se soumettre à sa hiérarchie de valeurs pour en imposer une nouvelle.

A l’inverse, la stratégie de dédiabolisation prouve qu’en réalité, « l’opposition » a  implicitement intégré la domination de l’élite actuelle et qu’elle se soumet à sa hiérarchie plutôt que de chercher à la remplacer. Loin d’être une ruse habile, c’est en réalité une stratégie de soumission qui place de surcroît ceux qui l’ont adopté dans une position très inconfortable : à eux de donner des gages et d’éviter les « dérapages ». Au lieu de se placer en juges du système qu’ils prétendent combattre, ils se retrouvent en permanence sur le banc des accusés.

Les partisans de la dédiabolisation feraient mieux de s’inspirer de la campagne de  2016 de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Plutôt que de tenter de plaire à un système qui le considérait comme un guignol, un incapable et un raciste, Donald Trump choisit plutôt  de l’attaquer de front sans lui laisser le moindre répit.  

Plutôt que de chercher à être respectable et loué par les médias, Donald Trump préféra gagner la confiance du peuple. Plutôt que de faire profil bas et rester dans le politiquement correct, il commença sa campagne en désignant ses prédécesseurs comme une bande d’imbéciles et les immigrés clandestins comme des criminels et des violeurs. Au lieu de se soumettre au tempo médiatique, il imposa le  sien à coups de provocations, de mesures chocs et de coups d’éclat. Par sa méthode, son style et surtout par son refus de se plier aux règles du jeu, Donald Trump prouva aux électeurs américains qu’il était un véritable candidat antisystème capable de défier la hiérarchie établie pour lui imposer son propre système de valeurs.  En juin 1940, De Gaulle ne fit pas autre chose en déclarant, seul, inconnu, devant une table en bois quelque part dans Londres, qu’il n’était ni un gouvernement en exil, ni l’armée française mais la France et que ce n’était pas lui qui était illégitime mais bien Vichy.

L’histoire nous apprend qu’en politique, sur les sujets critiques, les finasseries et autres calculs subtils ne mènent jamais à rien. La prise du pouvoir représente toujours une prise de risque, une lutte à mort entre deux hiérarchies concurrentes. Témoin de ce combat, le peuple rejette toujours le camp sur lequel il sent planer l’odeur de la soumission et de la peur pour favoriser celui qui, convaincu de sa légitimité et de la supériorité absolue de son modèle, a osé affirmer que lui seul détenait la vérité et que tous les autres étaient dans l’erreur.

De l’infantilisation

« Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant »

Ecclésiastes 10 :16

L’infantilisation généralisée constitue l’une des caractéristiques majeures de l’Occident contemporain. Au-delà de sa dimension psychologique et individuelle, ce phénomène affecte également le champ politique car une population bloquée au stade infantile est une population maintenue dans un état de dépendance, incapable de pensée ou de décisions autonomes et surtout, dans l’incapacité d’exercer toute forme de souveraineté.

Cette infantilisation trouve sa source dans la famille avec l’effacement, quand il ne s’agit pas de la disparition pure et simple, des pères de famille. Psychologiquement, l’homme, le père, est en effet celui dont la parole est porteuse d’objectivité, qui incarne l’autorité, fixe les limites et qui, le moment venu, fera entrer le jeune garçon dans la société des hommes. Or, aujourd’hui, quand les pères ne sont pas absents ou manquants, c’est-à-dire incapables d’assumer leur rôle de chefs de famille, ce sont les qualités viriles elles-mêmes qui se trouvent désormais dénoncées au nom de la lutte contre le « patriarcat », « la masculinité toxique » ou encore « le privilège blanc ».

Comme l’a démontré avec brio le sociologue et démographe Emmanuel Todd dans son livre « Où en sont-elles ? », depuis la fin des années 60, nous vivons dans des sociétés dominées par les femmes que ce soit via leur présence majoritaire dans l’enseignement supérieur, de leur surreprésentation dans les activités « productrices de normes » – journalisme, justice, enseignement, administration-, de la tertiarisation de l’économie qui se fait au détriment des activités primaires (agriculture) et secondaires (industrie) traditionnellement masculines et enfin, par l’inflation des normes, des règlements et des protocoles qui viennent entraver la tendance naturelle masculine à l’improvisation et à l’innovation. De son côté, l’essayiste et anthropologue Sylvain Durain a montré comment cette féminisation de la société ne constitue pas un progrès mais bien un retour aux sociétés archaïques des temps pré-chrétiens marquées par l’indifférenciation, le monisme (fusion de l’Homme et du cosmos) et surtout, du grand retour de la logique sacrificielle et des boucs-émissaires.

Non contentes d’avoir « castré » socialement, professionnellement et symboliquement les hommes et les pères, nos sociétés ont supprimé tous les rites de passage, religieux ou civiques, qui permettaient de symboliser la transition de l’état d’enfant à celui d’adulte. Quant aux rites de substitution, qu’il s’agisse du baccalauréat ou du permis de conduire, ils ne représentent pas de véritable enjeu et ne sont porteurs que d’une charge symbolique ou sacramentelle extrêmement faible. Cette absence de véritables rites de passage se trouve de surcroît aggravée par l’allongement de la durée des études. Là où les anciennes générations quittaient, pour l’essentiel, les bancs de l’école à leur majorité, les nouvelles sont maintenues, à dessein, dans ce statut, mi-enfant, mi-adulte, d’étudiant, tout en étant soumis, durant leurs années de formation, au tir de barrage incessant de la propagande progressiste et mondialiste. Sur ce point, il est d’ailleurs frappant de constater qu’aujourd’hui, les individus les plus matures et les plus adultes sont souvent ceux qui ont quitté l’école dès le plus jeune âge pour aller travailler dans des métiers en prise directe avec le réel comme l’hôtellerie/restauration, le commerce ou le bâtiment.

Pour finir, cette infantilisation généralisée rendue possible par l’absence des pères, la suppression des rites de passage et l’allongement de la durée des études se retrouve largement encouragée par la société dans son ensemble. En effet, la publicité, les médias et toutes les structures chargées de diffuser « l’esprit du temps » nous invitent en permanence à dépasser les limites, à satisfaire immédiatement nos désirs et à adopter des comportements et des attitudes en lien avec la jeunesse, soit l’opposé exact des vertus traditionnellement associées à la maturité et à l’âge adulte. Sur le plan visuel, une esthétique caractérisée par des couleurs vives ou criardes, des formes géométriques simples et un langage infantilisant s’est imposée dans la communication, y compris celle de l’État ou d’acteurs économiques traditionnellement « sérieux » tels que les banques et les assurances. En ce qui concerne le langage, l’emploi du prénom et le recours systématique au tutoiement se sont imposés, un phénomène dont Renaud Camus a montré dans « La civilisation des prénoms » en quoi il constituait l’expression d’une société d’enfants refusant la hauteur, la distance et, surtout rejetant l’importance des ancêtres et de la lignée. De façon plus générale, entre la satisfaction immédiate des désirs, le refus de la  frustration et des limites, l’abdication de toute forme de responsabilité, la jeunesse érigée en valeur suprême, l’extension du ludique à des activités sérieuses, l’horizon limité à un perpétuel présent, et la trottinette devenue soudainement un moyen de transport pour adultes, les sociétés occidentales sont désormais caractérisées par l’omniprésence des comportements infantiles à tous les âges et dans toutes les couches de la société.

Or, cette infantilisation de la société a pour conséquence directe la croissance de l’État et l’immixtion de la puissance publique dans un nombre croissant de domaines. Si la société est devenue un jardin d’enfants, il faut bien une maîtresse ou une nounou pour la surveiller. Jugé incapable de s’occuper de lui-même, de sa famille et de ses affaires, l’Homme de 2022 doit être intégralement pris en charge, de la naissance au tombeau, par Big Mother qui lui dit désormais ce qu’il doit faire, ce qu’il doit dire, ce qu’il doit manger, quand il a le droit de sortir, et surtout, ce qu’il a le droit de penser. En 2020-2021, la crise du Covid a marqué l’aboutissement de cette logique avec une population acceptant passivement d’être confinée puis vaccinée, en l’absence de bénéfices avérés, sous peine d’être grondée ou punie par la puissance publique maternelle.

En effet, comme tous les parents toxiques, l’État-nounou s’avère être extrêmement jaloux de ses prérogatives et n’accepte pas que « son » enfant s’émancipe et se trouve ainsi un jour en mesure d’échapper à son étroite supervision. Si l’État semble bienveillant avec tous ceux qui acceptent de jouer sagement et sans faire d’histoires dans l’enceinte du grand jardin d’enfants, il se révèle en revanche impitoyable et despotique envers tous ceux qui, rejetant sa tutelle, préfèrent s’éduquer, se soigner, s’informer, se protéger et se gouverner par eux-mêmes.

En matière de pouvoir, le maintien de toute une population dans un état infantile, c’est-à-dire incapable d’autonomie, de révolte ou de pensée libre reste le meilleur et le plus discret moyen de la dominer sans avoir recours à une forme de contrôle trop visible ou brutale. Pour lutter contre ce totalitarisme qui cherche à nous maintenir en enfance pour mieux nous soumettre et disposer à sa guise de nos corps comme de nos esprits, il nous appartient de (re)devenir des individus matures et autonomes et surtout, d’éduquer nos enfants  pour qu’ils deviennent eux aussi, à leur tour des hommes et des femmes véritablement libres.

 Pour aller plus loin :

De la bienveillance

Du féminisme

Des surdoués

“En tant qu’homme c’est votre devoir de protéger les faibles et les innocents. Pas de devenir le faible et l’innocent.”

Du gaslighting politique

En psychologie, le terme « gaslighting » ou détournement cognitif désigne une technique de manipulation mentale dans laquelle le bourreau cherche à faire douter la victime de la réalité de son agression, de sa souffrance ou de sa santé mentale. Cette technique est particulièrement utilisée par les sociopathes ainsi que par les auteurs de violences conjugales.

Une fois ce terme présenté, il apparait clairement que les peuples européens, et le peuple en français en particulier, subissent depuis plusieurs années une gigantesque opération de gaslighting de la part de  classes dirigeantes, des  médias et des minorités.

La tentative la plus éhontée de gaslighting est sans aucun doute celle menée par l’islam. Pour comprendre, commençons par rappeler qu’en France, entre 2012 et 2018, 263 personnes ont été tuées par le terrorisme islamique. Rappelons ensuite  qu’en France, des quartiers entiers sont devenus enclaves étrangères islamisées de fait  d’où sont peu à peu chassés les juifs et les français « mécréants ». Rappelons aussi qu’année après année, provocation après provocation, l’islam impose  un peu plus ses lois et ses coutumes dans l’espace public : viande hallal, port du voile, burkini, mosquées… Rappelons enfin que les Français n’ont jamais été consultés sur leur consentement à l’implantation massive d’une population islamique sur une terre historiquement chrétienne.

Dans les faits, le peuple français subit une agression culturelle, et parfois physique permanente, qui menace à terme son existence  et son identité. Et pourtant, ce sont bien les  musulmans  qui ne cessent de se présenter comme les malheureuses victimes d’une société française « raciste » et « islamophobe », trouvant dans le moindre des faits divers l’occasion de se victimiser un peu plus.

Magnifique exemple  de gaslighting où les agresseurs cherchent, et  le plus souvent parviennent, à culpabiliser les agressés !

La même technique est utilisée dans le domaine  économique et social par la classe dirigeante 

Voilà plus de quarante ans que le peuple français subit les conséquences de choix économiques et politiques désastreux : les champions industriels sont vendus à la découpe, la France périphérique laissée à l’abandon, la qualité des services publics ne cesse de se détériorer. Confronté à la réalité du quotidien, le peuple français  voit bien que la France va de plus en plus mal, qu’elle perd son identité et qu’une population étrangère s’y installe et s’y comporte comme en pays conquis. A raison, le peuple  interpelle ses dirigeants et  leur demande des comptes.

Que font les responsables ?

Ils pratiquent le gaslighting en rejetant la faute sur les français.

Si la France va mal, ce n’est pas parce que ceux qui la dirigent sont médiocres ou incompétents.

C’est parce que les Français sont fainéants, qu’ils ne travaillent pas assez, qu’ils ne sont jamais contents et d’ailleurs, ils n’apprécient pas la chance qu’ils ont d’avoir des dirigeants capables d’une pensée aussi subtile que complexe. Si les Français arrêtaient d’être un peuple de « gaulois réfractaires » qui fument des clopes, roulent au diesel et refusent d’embrasser cette diversité qui est une « chance pour la France » peut-être que les choses iraient un peu mieux pour eux.

Magnifique exemple de gaslighting où, une fois de plus, le bourreau cherche à culpabiliser sa victime.

Les exemples de manipulation cognitive sont tellement nombreux qu’ils pourraient être multipliés à l’infini.

Comment la victime peut-elle sortir de ce cercle vicieux ?

Que faire quand pendant des décennies tout un peuple a été victime de sévices psychologiques, de surcroît de la part de ceux qui étaient censés le protéger et l’informer ?  

Première étape : arrêter de culpabiliser, faire confiance à son instinct et admettre que, pendant des années, nous avons  été manipulés par des pervers.

Deuxième étape : Ne plus accorder le moindre crédit aux manipulateurs et les chasser du pouvoir et des plateaux télévisés.

Troisième étape : Si jamais ils reviennent, en jurant que cette fois, ils ont compris et qu’ils vont changer, ne pas tomber dans le piège et garder la porte bien fermée. S’ils insistent, répondre à coups de fusil.

Même si, balayées par le vent du réel, les effluves du  gaslighting sont en train de se dissiper, trop de Français continuent de culpabiliser de penser ce qu’ils pensent et de voir ce qu’ils voient.  

Pour sortir le peuple français de cette spirale infernale, il faut commencer par l’aider à reprendre confiance en lui et combattre impitoyablement tous les manipulateurs qui cherchent à l’affaiblir et à le faire douter.

De la croissance

« Pour de nombreuses personnes, l’idée qu’il puisse y avoir des limites à la croissance est tout simplement impensable. » Donella H. Meadows

Il est toujours utile de rappeler qu’à l’échelle de l’histoire économique, la croissance des deux derniers siècles représente l’exception plutôt que la règle. Jusqu’au XIXème siècle, la croissance économique de toutes les sociétés préindustrielles était  en effet proche de zéro. Pour ces dernières, l’augmentation de la population ou l’accaparement de richesses extérieures, donc la guerre, constituaient  en réalité le seul moyen de « croissance ».

Tout cela changea avec la Révolution Industrielle et l’exploitation des énergies fossiles, pétrole et charbon. J’ai déjà expliqué comment la croissance économique est en réalité une fonction linéaire de l’énergie consommée et comment l’effondrement du taux de rendement énergétique va mécaniquement contribuer à un ralentissement de la croissance au XXIème siècle.

Aujourd’hui, je voudrais revenir sur l’idée même de croissance et expliquer pourquoi cette dernière et à plus forte raison, la construction de tout système économique et social sur le postulat d’une croissance infinie constitue une idée aussi absurde  que dangereuse.

Pour la pensée économique actuelle, une croissance de 1% par an est considérée comme faible, la valeur souhaitable se situant autour de 3 à 5% pour les économies « matures ». Rappelons  tout d’abord qu’une croissance de 1% signifie le doublement de l’unité de valeur en l’espace de 70 ans.  Les économistes et les dirigeants politiques devraient être troublés par le fait qu’il est quasiment impossible de trouver un phénomène naturel capable de croître ne serait-ce que de 1% de façon continue et infinie.  La Nature est en effet marquée par cycles d’expansion puis de contraction (cycle des saisons), par une stabilisation une fois un certain seuil atteint suivi d’un déclin (corps humain) ou par une croissance importante suivie d’un effondrement tout aussi brutal (étoiles).

Pour mieux comprendre, l’absurdité du postulat, imaginons un instant que le corps humain connaisse une croissance continue de 1% par an.  Ce corps mesurerait  environ 1,80m à la fin de l’adolescence et continuerait à croître, passant à 2.20m puis 2,50 m  et ainsi  de suite jusqu’à sa mort, consommant au fur et à mesure du temps  une quantité de plus en plus importantes de ressources pour se maintenir.

En poussant le raisonnement jusqu’au bout, une entité qui connaitrait une croissance infinie finirait par mourir après avoir consommé toute l’énergie présente dans l’univers.

Si aucun système ne connaît une croissance continue, c’est  donc tout simplement parce qu’une telle croissance  n’est absolument pas soutenable. Malgré cette évidence, la quasi-totalité des habitants de pays dits « développés » continue de penser que leurs économies  et leur niveau de vie vont continuer de croître indéfiniment.  Plus grave encore, l’idée de croissance se trouve tellement ancrée dans la psychologie moderne  qu’il est très difficile de faire admettre que ce que nous considérons depuis deux siècles comme la règle représente  en réalité, à l’échelle de l’histoire économique humaine, une exception née de l’exploitation massive de stock d’énergies fossiles et de matière premières  pour l’essentiel non-renouvelables.

Le refus de remettre en cause l’idée même de croissance menace doublement nos sociétés,  sans parler des conséquences désastreuses de ce paradigme sur l’environnement.

En premier lieu, le postulat de la croissance  a rendu nos systèmes économiques et sociaux extrêmement vulnérables et fragiles. Aujourd’hui,  non seulement tous nos systèmes économiques doivent croître pour se maintenir et ne sont absolument plus calibrés pour gérer des cycles marqués par de longues périodes de contraction mais ils ont également détruits toutes les structures et les organisations traditionnelles qui, elles, s’étaient perfectionnées durant  des milliers d’années dans la gestion des phases de creux.

Mais surtout, ce postulat de croissance a ancré dans les esprits que « plus » était toujours « mieux », qu’il était raisonnable de s’attendre à avoir un peu plus chaque année que l’année précédente et que tout accroissement d’une unité de valeur constituait un « progrès ».  Les « progressistes » devraient toujours se rappeler que leur idéologie trouve son origine au fond d’un puits de pétrole ou d’une mine de charbon.

Pour leur plus grand malheur, les hommes du XXIème siècle ne sont absolument pas préparés mentalement à la contraction qui vient et les idées de limite, de contrôle et de décroissance restent considérées comme de véritables hérésies sur le plan politique et social,  jugées bonnes à n’intéresser que les militants écologiques les plus radicaux. 

Pour amortir le choc qui vient, il est urgent de réintégrer l’idée de cycle et de limite dans la pensée politico-économique et constituer autant d’amortisseurs (buffers) et de réserves que possible pour surmonter les contractions à venir. Un des grands défis politique et organisationnel du  XXIème siècle sera  la reconstruction de systèmes socio-économiques  flexibles, antifragiles  et capables de résister à de longues périodes de croissance faible ou nulle sans être fragilisés, ni s’effondrer.  Autrement dit : tout reste encore à faire.

Pour aller plus loin:

L’imposture de la croissance “verte”, Jean-Marc Jancovici

Du “skin in the game”

La loi la plus connue du code d’Hammourabi est la suivante: “Si un architecte construit une maison et que la maison s’écroule et tue son propriétaire, l’architecte doit être mis à mort.

Nassim Nicholas Taleb.

La légende raconte que les romains faisaient dormir l’architecte et toute sa famille sous le pont que celui-ci venait de construire. Cette pratique limitait le risque de défaillance en sanctionnant potentiellement de manière drastique le responsable.

Dans de nombreux domaines, il est souvent profitable de s’inspirer de l’exemple des romains.

En effet, le succès de toute organisation repose en grande partie sur sa capacité à récompenser les comportements qui la favorisent et à sanctionner ceux qui lui nuisent. Pendant des siècles, les dirigeants durent assumer leur risque et les conséquences leur actions, une loi d’airain que le philosophe et mathématicien Nassim Nicholas Taleb  a appelé le « skin in the game ».

Autrefois, un mauvais roi ou un piètre général finissait tué sur le champ de bataille, capturé par ses ennemis et parfois même assassiné par ses propres hommes. Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, les chefs d’entreprise risquaient de tout perdre en faisant faillite. La légende raconte que même les hommes politiques avaient un sens de l’honneur et démissionnaient lorsque des soupçons de corruption pesaient sur eux.

Aujourd’hui, plus personne n’a de « skin in the game » et les erreurs, principalement celle des classes dirigeantes, ne sont absolument plus sanctionnées. Il s’agit là d’un bouleversement  dont notre époque n’a pas encore saisi ni la mesure, ni les conséquences.

Les banques font faillite : elles sont renflouées par de l’argent public et leurs responsables restent en poste. Une entreprise perd de l’argent et doit licencier des milliers de salariés ; ses dirigeants partent avec des parachutes dorés. Les journaux publient des fausses nouvelles, des approximations et parfois même de véritables mensonges ; aucun journal ne fait faillite, aucun rédacteur en chef ne perd son poste, aucun journaliste ne se retrouve à la rue. Les délinquants commettent des crimes et des délits ;  ils sont relâchés par la justice au grand désarroi des victimes et des policiers. Cerise sur le gâteau : des politiques ou des administrateurs  condamnés par la justice  accèdent de nouveau aux responsabilités et s’étonnent que le peuple s’en offusque.

En France, une génération de décideurs a mené le pays à la ruine en détruisant l’industrie au profit des services, abdiqué la souveraineté économique et monétaire, financé la dépense publique par un recours sans précédent à l’endettement, détruit le lien social et la nation en important massivement des populations étrangères et poussé le peuple, les pompiers, les policiers, les enseignants et les médecins à la révolte.

Sont-ils pour autant sanctionnés ?

Ont-ils été chassés du pouvoir et des plateaux de télévision ?

Ont-ils été jetés en prison et leurs biens saisis ?

Ont-ils  personnellement souffert des conséquences de leurs mauvaises décisions ?

Non, ils continuent à bien vivre, à prodiguer leurs mauvais conseils et à détruire leur pays dans l’impunité la plus totale.

Pourquoi ? Parce qu’il n’y a  plus ni sanction, ni de« skin in the game » et ceux qui veulent prendre une part des profits ou des avantages n’assument plus la contrepartie qui fut, de tout temps, d’assumer une part des risques.

Ce mauvais exemple venu d’en haut se répercute sur l’ensemble de la société.

Dans les entreprises, les administrations, les associations, l’initiative, la prise de risque et le talent ne sont pas récompensés tandis que la médiocrité, la faute grave et l’incompétence ne sont pas durement sanctionnés. Cette situation est d’autant plus insupportable que le peuple, lui, continue de subir la sanction et paie souvent  au prix fort les erreurs commises par ceux qui sont censés le diriger.

Le pouvoir et les privilèges ne sont tolérés que parce que ceux qui en jouissent assument pleinement leur part de risque. Si ce risque n’est plus assumé, le contrat est social est rompu.

Par conséquent, la réhabilitation de la sanction et la fin du transfert sur le peuple de la part de risque qui n’est plus assumé par les élites doit être une des mesures prioritaires de tout projet politique.

Le règne de l’impunité doit cesser et les élites doivent à nouveau jouer leur peau.

Et pour que la sanction soit rétablie, il faut commencer par rétablir l’autorité.

Note: le jugement de Salomon est une excellente illustration du principe du “skin in the game”. Quand le roi Salomon propose de couper l’enfant en deux pour départager les deux femmes, la vraie mère pousse un cri et se révèle ainsi en tant que telle.