De la bienveillance

“Il n’y a pas de trêve avec les Furies/ Ton visage si bienveillant/Est le drapeau blanc qu’elles ignorent”

R.S. Thomas

C’est un ajout récent à la novlangue de l’époque que l’on retrouve à toutes les sauces et sur toutes les langues.

Aujourd’hui, rien ne semble plus important que de cultiver sa bienveillance. Pas un politique, un journaliste, un psychologue, un manager ne manque à l’appel pour nous rappeler l’importance d’être bienveillant.

La bienveillance : un mot bonbon pour une époque guimauve qui ne sait plus que mâcher mou.

En réalité, cette injonction permanente à la bienveillance devrait nous inquiéter.

En psychologie, plus un mot est employé, plus il cache en réalité son contraire.

Les métropoles dites apaisées sont celles où la criminalité est la plus grande et les parangons de vertu affichée sont souvent ceux qui, en privé, succombent aux plus grands vices.

L’appel à la bienveillance, c’est la réponse à la véritable dureté de l’époque, à sa violence, à son hypocrisie. Cet appel désespéré à la bienveillance, c’est demander un cocon, un refuge, un répit.

Arrêtez le massacre s’il vous plaît ; soyez bienveillant, je vous en prie.

Naïveté de l’époque qui croit qu’il suffira d’appeler à la bienveillance pour être épargné.

Si l’époque est mauvaise, les valeurs dévoyées et les chefs incapables, alors il faut reformer tout cela, par la force si nécessaire. Ce n’est pas en appelant à la pitié, autre nom de la bienveillance, que les choses risquent de changer.

Car cette bienveillance est un poison qui nous affaiblit et nous tue à petit feu.

Tous les systèmes vivants sont régis par des boucles de renforcement positives ou négatives.

Confronté à un choc ou à une agression, un système peut durcir la zone attaquée ou faire comme ce ver de terre décrit par Nietzsche qui se recroqueville davantage pour réduire ses chances de se faire à nouveau piétiner.   La bienveillance, c’est la deuxième option.

Notre corps est plus sage que nous. Attaqué par des virus ou des bactéries,  il développe des défenses immunitaires et fait monter notre température pour tuer l’envahisseur.

Promouvoir la bienveillance, c’est à l’inverse devenir comme ces américains obsédés par les germes qui cherchent à vivre dans les environnements les plus aseptisés possibles et qui finissent par ne plus avoir la moindre défense immunitaire. C’est aussi devenir comme cette nouvelle génération d’étudiants désormais incapables de supporter un débat un peu vif ou un remontage de bretelles en règle et qui se réfugient dans des safe space sur les campus ou se sentent agressés par la moindre critique.

« Tout ce qui ne te tue pas, te rend plus fort » disait Nietzsche.

Ou comme le disait mon arrière-grand père, boulanger de son état : « Si tu ne supportes pas la chaleur, ne rentre pas dans le fournil ».

Ce n’est pas la bienveillance qu’il faut demander mais l’estime et le respect.

Ces derniers ne sont pas dus, ils se méritent et ils se gagnent.

Au lieu de nous affaiblir, ils nous renforcent.

Au lieu de nous ramollir, ils nous endurcissent.

Etre contre la bienveillance, c’est en réalité rendre un immense service à notre époque.

Les temps qui viennent vont être durs, très durs.

Le monde qui vient n’est pas celui de la bienveillance mais de la guerre et de la lutte.

Alors au lieu d’appliquer la pommade dérisoire de la bienveillance sur les petits bobos de nos esprits fragiles, nous ferions mieux d’apprendre à prendre des coups et à en donner.

Pour aller plus loin:

Deadwood

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