Article d’Ida Auken, députée danoise et membre du Forum économique mondial (WEF), publié le 12 novembre 2016 sous le titre original “Welcome to 2030, I own nothing, have no privacy and life has never been better” et repris sur le site du WEF. Traduit de l’anglais par Stanislas Berton.
Bienvenue en 2030. Bienvenue dans ma ville ou devrais-je plutôt dire “notre ville”. Je ne possède rien. Je n’ai pas de voiture. Je ne suis pas propriétaire de ma maison. Mes appareils électroménagers et mes vêtements ne m’appartiennent pas.
Cela peut vous sembler étrange mais cela est tout à fait logique pour nous, habitants de cette ville. Tout ce que nous avions l’habitude de considérer comme un produit est maintenant devenu un service. Nous avons accès aux moyens de transport, au logement, à la nourriture et à tout ce dont nous avons besoin dans notre vie de tous les jours. L’une après l’autre, toutes ces choses sont devenues gratuites alors, en fin de compte, cela ne servait à rien d’en rester propriétaires.
Ce furent d’abord les moyens de communication qui devinrent entièrement numérisés et gratuits pour tout le monde. Ensuite quand l’énergie verte devint gratuite, les événements se précipitèrent. Le coût du transport devint négligeable. Il n’y avait donc plus aucun intérêt d’avoir une voiture car nous pouvions tous appeler en quelques minutes un véhicule contrôlé par une IA ou une voiture volante pour des trajets plus longs. Quand les transports en commun devinrent plus facile d’accès, plus rapides et plus pratiques que la voiture, nous commençâmes à nous déplacer d’une façon plus ordonnée et coordonnée. Désormais, j’ai du mal à croire que nous tolérerions les embouteillages, sans parler de la pollution causée par les moteurs. Qu’est-ce qui nous a pris?
Parfois quand je vais voir mes amis, je prends mon vélo. J’apprécie l’exercice et le trajet en lui-même. C’est comme si notre âme participait à ce voyage. C’est surprenant de constater à quel point certaines choses ne perdent jamais leur attrait : marcher, faire du vélo, cuisiner, dessiner et faire pousser des plantes. Cela est logique et nous rappelle que notre culture s’est développé en relation étroite avec la nature.
“Les problèmes environnementaux semblent appartenir au passé.”
Dans notre ville, nous ne payons pas de loyer parce que quelqu’un utilise l’espace que nous laissons libre quand nous n’en avons pas l’usage. Mon salon est utilisé pour des réunions d’affaires lorsque je ne suis pas chez moi.
De temps en temps, je fais moi-même la cuisine. C’est facile, tout l’équipement dont j’ai besoin est livré devant ma porte en quelques minutes. Depuis que le transport est devenu gratuit, nous avons cessé d’entasser toutes ces choses dans nos foyers. Pourquoi garder une machine à faire des pâtes ou des crêpes dans nos placards? Il nous suffit de passer commande quand nous en avons besoin.
Ce mode d’organisation a facilité le passage à l’économie circulaire. Quand les produits deviennent des services, personne n’a besoin de concevoir des produits à faible durée de vie. Tout est conçu pour être durable, réparable et recyclable. Les matières premières arrivent plus rapidement dans nos circuits économiques et peuvent être transformés plus facilement en nouveaux produits. Les problèmes environnementaux semblent appartenir au passé car nous n’utilisons que de l’énergie et des moyens de production propres. L’air est pur, l’eau est pure et personne n’oserait toucher à ces zones protégées car elles sont si importantes à notre bien-être. Dans les villes, nous avons beaucoup d’espaces verts et des plantes et des arbres un peu partout. Je ne comprends pas pourquoi tous les espaces non-utilisés étaient autrefois remplis de béton.
La mort du shopping
Le shopping? Je ne me rappelle même plus du sens de ce mot. Pour la plupart d’entre nous, cela revient désormais à choisir quels objets nous allons utiliser. Parfois, je trouve ça amusant et parfois, je veux juste que l’algorithme s’en occupe à ma place. J’ai désormais une meilleure connaissance de mes goûts.
Quand l’IA et les robots se sont mis à accomplir la plupart de notre travail, nous eûmes tout à coup plus de temps pour mieux manger, mieux dormir et passer plus de temps avec les gens. Le concept d’heure de pointe n’a plus vraiment de sens aujourd’hui car le travail que nous effectuons peut être accompli à n’importe quel moment. Je ne sais même si l’on peut encore appeler cela du travail. C’est simplement plus du temps pour penser, créer et s’épanouir.
“Ils vivent des existences différentes à l’extérieur de la ville”.
Il eut une époque où tout avait été transformé en divertissement et où les gens ne voulaient plus se confronter aux questions importantes. C’est qu’au dernier moment que nous avons trouvé comment utiliser ces nouvelles technologies pour autre chose que juste passer le temps.
Parfois, je suis inquiète en pensant aux gens qui n’habitent pas notre ville. Ceux que nous avons perdu en chemin. Ceux qui ont décidé que toute cette technologie était “trop” pour eux. Ceux qui se sont sentis obsolètes et inutiles quand les robots et l’IA nous ont remplacé dans plupart des emplois. Ceux qui en ont eu assez du système politique et se sont révoltés contre lui. Ils vivent des existences différentes à l’extérieur de la ville. Certains ont fondé des communautés autonomes. D’autres se sont installés dans des maisons vides et abandonnées dans des villages du XIXe siècle.
De temps en temps, cela m’ennuie de n’avoir aucune vie privée. De ne pouvoir aller nulle part sans être identifiée Je sais que quelque part, tout ce que je fais, que je pense et ce dont je rêve est enregistré. J’espère que personne n’utilisera cela contre moi.
Au bout du compte, c’est une bonne vie. Bien meilleure que celle vers lequel notre ancien modèle nous conduisait et où il était devenu clair que nous ne pouvions plus continuer avec le même modèle de croissance. Nous devions faire face à une réalité horrible: maladies liées au mode de vie, changement climatique, la crise des réfugiés, la dégradation de l’environnement, les villes saturées, la pollution de l’air, de l’eau, les troubles sociaux et le chômage. Nous avons perdu tant de gens avant de nous rendre compte que nous pouvions faire les choses autrement.
Notes du traducteur:
1) Cet article constitue un concentré chimiquement pur du “socialisme technocratique” vendu par l’oligarchie mondialiste aux membres de bas-niveau de la classe dirigeante (élus, cadres, classes “éduquées”). Séduisant en apparence, ce projet totalitaire, lié à celui des “villes intelligentes” (smart cities), représente en réalité la destruction des piliers de civilisation occidentales: liberté, vie privée, propriété privée. Présenté comme un progrès et reposant sur des principes positifs et consensuels (défense des milieux naturels, limitation du gaspillage), ce projet vise à susciter l’adhésion et à faire consentir les populations à leur propre mise en esclavage.
2) De nombreuses notions évoquées dans ce texte sont purement verbales et ne peuvent séduire que des personnes vivant en milieu urbain, travaillant dans le secteur tertiaire et totalement déconnectées des réalités de toute activité productive. Par exemple, la notion d’énergie “propre” est un non-sens physique: toute activité de production consomme des matières premières et génère des déchets. De la même manière, un agriculteur ou un ouvrier travaillant en usine voit son activité déterminée par des contraintes climatiques, énergétiques ou logistiques et ne peut donc pas travailler “quand il veut”.
3) Comme le marxisme ou le socialisme, cette utopie mondialiste fondamentalement antichrétienne car elle postule que l’homme peut accéder au paradis sur terre et retrouver, grâce à des réformes, un nouvel Éden. A l’inverse, le chrétien connaît sa nature déchue et sait que le vrai royaume n’est pas de ce monde mais dans celui d’après et que tous ceux qui affirment le contraire ne sont pas de Dieu mais du diable.
Pour aller plus loin:
De l’Intellectuel-Mais-Idiot (Taleb)