Du déni des complots

Extraits d’un article original de Tim Foyle publié en mars 2021 sous le titre « On the psychology of the conspiracy denier »

Traduit de l’anglais par Stanislas Berton

Retrouver la traduction complète de cet article dans l’Homme et la Cité- Volume II

“Pourquoi des gens par ailleurs parfaitement intelligents, sérieux et rationnels regimbent face à l’idée que des sociopathes conspirent pour les manipuler et les duper ? Et pourquoi défendent-ils cette position sans aucun fondement avec autant de véhémence ?

L’Histoire est un véritable catalogue des machinations de menteurs, de voleurs, de brutes et de narcissiques et de leurs effets dévastateurs. Nous savons sans aucun doute que les hommes politiques mentent et dissimulent leurs conflits d’intérêt et nous savons que les entreprises témoignent d’un mépris total pour les règles morales. Nous savons que nous sommes entourés de corruption.  Nous savons que les liens incestueux entre la sphère politique et le monde de l’entreprise, l’industrie du lobbying, les régulateurs corrompus, les médias et la justice signifient que les actes criminels ne sont jamais jugés et punis comme ils devraient l’être. Nous savons que la presse fait un peu de bruit sur ces différents sujets mais qu’elle n’a jamais le courage de les creuser à fond. Nous savons que les forces de l’ordre et les services de renseignement se livrent à des activités criminelles à une échelle gigantesque et qu’ils ne sont pour cela jamais inquiétés par la justice. Nous savons que les gouvernements ne cessent d’ignorer ou de piétiner les droits de leurs citoyens et qu’ils maltraitent et font subir de mauvais traitements à leurs populations. Rien de tout cela n’est sujet à controverse.

Par conséquent, pourquoi ceux qui nient la réalité des complots refusent d’admettre leur existence avec autant de ferveur, de condescendance et ce ton moralisateur ? Pourquoi, malgré toutes les preuves, continuent-ils avec mépris de défendre l’illusion de plus en plus fragile que nos « bons maîtres » s’occupent de tout, qu’ils n’ont que nos intérêts à cœur et qu’ils sont nobles, sincères et plein de scrupules ? Pourquoi continuent-ils de croire que la presse sert la vérité et le public plutôt que les escrocs ? Que les injustices qui ne cessent de se produire sont dues à des erreurs ou à l’ignorance plutôt qu’à ce mot épouvantable de « complot » ? Quelle personne raisonnable pourrait continuer à croire à ce conte de fées ? Le désaccord porte ici essentiellement sur une question d’échelle. Quelqu’un de véritablement curieux ne limitera pas sa curiosité à l’échelle d’un pays ou d’une entreprise. Pourquoi le ferait-il ? Une telle personne partirait du principe que les mêmes méthodes de corruption qui existent au niveau local se retrouvent probablement à tous les niveaux de la pyramide du pouvoir. Mais ceux qui nient les complots affirment que cette idée est ridicule. Pourquoi ?

Il est évident que les structures pyramidales, sociales ou légales, que l’humanité a laissé se développer sont précisément le type de hiérarchie de dominance qui favorisent le sociopathe. Un être humain avec un état d’esprit sain et coopératif n’a aucune raison de participer au combat nécessaire pour gravir la pyramide du monde de l’entreprise ou de la politique. À ceux qui refusent les complots : d’après vous, à quoi occupent leurs journées les 70 millions de sociopathes que compte le monde, eux qui sont nés dans un « jeu » dans lequel toute la richesse et le pouvoir sont concentrés au haut de la pyramide tandis que le fait d’être impitoyable et amoral représente les deux meilleurs moyens de gagner la partie?

Ceux qui nient les complots n’ont-ils jamais joué au Monopoly ?

Les sociopathes n’ont pas choisi leur vision du monde de façon consciente et sont incapables de comprendre pourquoi les gens normaux s’encombreraient d’un tel handicap en se limitant avec de la sensibilité et de l’empathie, des notions qui sont aussi étrangères à l’esprit d’un sociopathe que leur absence peut l’être pour celui d’un être humain normal. Pour gagner le jeu, la seule chose que doit faire le sociopathe est de mentir en public tout en conspirant en privé. Qu’y a-t-il de plus simple ? En 2021, continuer d’imaginer que ce n’est pas cette dynamique qui dirige notre monde représente une forme irresponsable de naïveté qui confine à la folie. D’où provient un instinct destructeur aussi mal placé ?

Le jeune enfant accorde une confiance innée à ceux qui se trouvent dans son environnement immédiat, une confiance qui, pour l’essentiel, est entièrement justifiée. Autrement, l’enfant ne pourrait pas survivre. Dans une société saine aussi bien mentalement que socialement, cet instinct profond évoluerait au fur et à mesure que la psyché se développerait. […] Révérence et respect pour la tradition, les forces naturelles, les ancêtres, la raison, la vérité, la beauté, la liberté, la valeur intrinsèque de la vie ou l’esprit initiateur de toutes choses, tout cela pourrait être autant d’endroits valides où placer de façon consciente notre confiance et notre foi, de même que tout ce qui découle de systèmes de croyance plus formalisés.

[…]

Que se passe-t-il lorsqu’il existe en nous un besoin enfantin qui n’a jamais évolué au-delà de sa fonction originale qui est de permettre la survie en faisant confiance à ceux qui se trouvent dans notre environnement immédiat et qui sont simplement les plus présents, les plus puissants et les plus  actifs ? Que se passe-t-il quand nous n’avons jamais véritablement exploré nos propres psychés et interrogé en profondeur ce en quoi nous croyons vraiment et pourquoi ?

[…]

Je suggère que la réponse est simple et que la preuve de ce phénomène et des ravages qu’il cause se trouve sous nos yeux : l’instinct inné de faire confiance à la mère n’évolue jamais, ne rencontre jamais et n’interagit jamais avec son contrepoids qui est la raison ou la foi éclairée et demeure pour toujours sur son mode « par défaut » qui est celui de l’enfant. Bien que la psyché immature ne dépende plus des parents pour son bien-être, le puissant principe central que j’ai décrit demeure intact : jamais remis en cause, jamais intégré et sous-développé. Et dans un monde où la stabilité et la sécurité ne sont plus que des lointains souvenirs, ces instincts de survie au lieu d’être affutés, pertinents, capables de discernement, adaptés et écoutés demeurent littéralement ceux d’un bébé. La confiance est placée dans la force qui fait le plus de bruit, la plus puissante, la plus présente, la plus indiscutable parce que l’instinct décrète que la survie en dépend. Et dans cette grande « nurserie mondiale », la force la plus omniprésente est celle du réseau des institutions qui projette en permanence une image, totalement injustifiée, de pouvoir, de calme, d’expertise, de bienveillance et de stabilité.

D’après moi, voici la manière dont ceux qui nient les complots sont capables de s’accrocher et de défendre la fiction totale selon laquelle au-delà d’un certain seuil social non défini de la hiérarchie sociale, la corruption, la tromperie, la malveillance et le narcissisme s’évaporent comme par magie. […] Que derrière la porte, Papa et Maman sont là et font de leur mieux pour que leur petit chéri soit à l’aise, heureux et en sécurité jusqu’à la fin de ses jours. […] Ceci explique pourquoi ceux qui nient les complots attaqueront toute suggestion que l’archétype du parent n’est plus présent et que derrière la porte, il y a des sociopathes qui nous considèrent avec un souverain mépris et sans aucune considération pour notre existence. Celui qui nie les complots attaquera de telles suggestions avec autant d’agressivité que si sa survie en dépendait, ce qui dans le cadre de sa psyché fragile, est d’ailleurs le cas. Son bien-être, sa sécurité, son futur, tout repose (de façon totalement inconsciente) sur cette illusion. 

[…]

À tous ceux qui ont l’habitude de traiter  les gens qui se posent des questions, qui enquêtent, qui sont sceptiques comme des fous, des paranoïaques, des électeurs de Trump antiscience, je vous pose cette question : en quoi croyez-vous ? En qui avez-vous placé votre confiance et pourquoi ? Alors que personne ne fait confiance au gouvernement, pourquoi faites-vous confiance à des organisations mondiales ou supranationales sans aucune hésitation ? En quoi cela est-il rationnel ? […]Ces organisations ont gagné votre confiance avec rien de plus que l’argent qui permet d’acheter une bonne campagne de presse et des mensonges sur papier glacé.

[…]

Dans le monde d’aujourd’hui, la confiance mal placée et sans aucun fondement est peut être la plus grande source de pouvoir qui existe.

Les complots criminels à grande échelle sont une réalité. Les preuves sont accablantes. Il est difficile de déterminer l’ampleur de ceux qui sont en cours mais il n’y aucune raison d’imaginer que dans cette époque de mondialisation, la quête des sociopathes pour le pouvoir ou la possession de ressources ait baissé en intensité. Elle ne risque pas de l’être tant que la dissension est moquée et censurée jusqu’au silence par les chiens de garde, les « idiots utiles » ou ceux qui nient les complots, tous ceux qui, dans les faits, participent directement au plan des sociopathes en attaquant sans relâche ceux qui tentent de faire la lumière sur leurs activités criminelles. Chaque être humain a l’urgente responsabilité de révéler les plans des sociopathes partout où ils existent et de ne jamais attaquer ceux qui s’acquittent de cette tâche. Maintenant, plus que jamais, le temps est venu de ranger nos jouets et nos instincts d’enfants et de nous lever en tant qu’adultes pour protéger l’avenir des véritables enfants qui n’ont pas d’autre choix que de nous faire confiance pour survivre.

Cet essai s’est concentré sur ce que je considère le facteur psychologique le plus profond de la négation de l’existence de complots. Il en existe d’autres tels que le désir d’être accepté, le refus de la connaissance et de la confrontation avec la part d’ombre intérieure ou extérieure, la préservation d’une image de soi  positive et vertueuse, une version généralisée du phénomène du « singe volant » dans lequel un groupe social égoïste et vicieux se protège lui-même en faisant bloc derrière la brute, l’adoption subtile et inconsciente de l’état d’esprit des sociopathes (« l’humanité est le virus »), l’addiction au scandale/complexe de supériorité/jeux de pouvoir, un intellect retardé ou sans ambition qui se trouve validé par le maintien du statut quo, un mécanisme de protection par dissociation qui postule que les crimes et les horreurs commis à notre époque ne se produisent pas vraiment ici et maintenant, sans oublier la bonne vieille lâcheté et la paresse. Ma suggestion est que, dans une certaine mesure, tous ces éléments reposent sur la fondation de cette cause première que j’ai détaillée ici.”  

Notes du traducteur:

1) Dans le cas de la France, cette naïveté s’explique en partie par le fait que pendant des siècles, le peuple français fut gouverné par un roi, véritable père du royaume qui considérait ses sujets comme ses propres enfants. Malgré le passage à un régime républicain, cette conception, désormais erronée, continue de persister dans l’esprit des Français, de la même manière que la sensation d’un membre « fantôme » continue de persister après une amputation. À l’inverse d’un Américain, citoyen d’une jeune nation fondée sur la révolte contre le « père » royal, il est très difficile pour un Français de s’affranchir de cet héritage psychologico-politique et donc d’imaginer que ses dirigeants, identifiés au roi et donc au père, lui veuillent du mal.

2) Une autre explication est le fait que plus une société est complexe, plus elle repose sur la confiance et sur la certitude que chacun de ses membres s’acquitte correctement de sa tâche. Se mettre à douter de cette réalité revient à remettre en cause l’équilibre et la viabilité de la société dans son ensemble, une pensée qui peut conduire à un sentiment extrême de vulnérabilité et donc d’angoisse. Nos sociétés hautement complexes, ultraspécialisées et atomisées représentent un environnement idéal pour les sociopathes, contrairement à celles qui sont marquées par le localisme, l’autosuffisance et l’existence d’authentiques liens de solidarité et d’appartenance collective.

Pour aller plus loin:

Des psychopathes

Du gaslighting

Contrôle de la CEDH par G. Soros

Manipulation du cours de l’or par JP Morgan

Origine de l’Union Européenne

Opérations sous faux drapeau

Q drops

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