« Si le peuple comprenait l’odieuse injustice de notre système bancaire et financier, il y aurait une révolution dès demain matin. » Andrew Jackson
Le contrôle du crédit par les banques privées et les banques centrales leur assure un contrôle de fait sur l’économie. En effet, le financement bancaire constitue un passage quasi-obligé aussi bien pour acquérir un bien immobilier que concrétiser un projet économique ou entrepreneurial. Ce monopole actuel contribue à faire oublier qu’il constitue une exception à l’échelle de l’histoire économique. Pendant des siècles, au lieu de passer par les banques, la majorité des entreprises et des particuliers faisaient appel, comme l’a démontré David Graeber, à un système complexe d’endettement réciproque qui, sous sa forme la plus moderne encore en vigueur jusque dans les années 60, prenait la forme du crédit vendeur.
De quoi s’agit-il ?
D’après sa définition : « le crédit vendeur est un prêt accordé directement entre le vendeur et l’acheteur d’un bien. Il permet à ce dernier de contourner le circuit bancaire classique. Le crédit vendeur est le plus souvent pratiqué entre particuliers, dans le cadre des ventes immobilières ou entre professionnels, dans le cadre des reprises d’entreprises ou des achats de fonds de commerce. »
Dans le cadre du crédit vendeur, au lieu de rembourser la banque ayant fourni le prêt l’acheteur rembourse directement le vendeur avec un taux d’intérêt pouvant être librement fixé entre les parties.
Pour prendre un exemple concret : dans le cadre de l’achat d’un bien immobilier valant 100 000€, l’acheteur peut payer comptant la moitié du prix, soit 50 000€ et payer le reste sous le régime du crédit vendeur versant ainsi tous les mois directement au vendeur les montants dus jusqu’au règlement entier de la somme.
Précisons que le crédit vendeur ne repose pas uniquement sur la confiance et la poignée de main.
Il est en effet tout à fait possible et même indispensable que les deux parties signent un contrat et fassent réaliser un acte authentique devant notaire mentionnant clairement la durée, le montant du prêt, du taux d’intérêt et des frais annexes
Permettant d’éviter de passer par les banques, ce système impose d’autres contraintes et expose bien évidemment à d’autres types de risques. Cependant, il est nécessaire de comprendre qu’au-delà de la simple logique économique, il s’agit d’un mode de financement véritablement révolutionnaire et subversif car il renverse totalement la logique du système actuel.
En effet, dans le système actuel, c’est votre richesse qui vous permet d’obtenir de la confiance.
Dans un système dominé par le crédit vendeur, c’est la confiance qui vous permet d’obtenir la richesse.
Dans le cadre d’un crédit vendeur, la question centrale n’est plus celle du crédit au sens économique mais bien celle du crédit au sens social, voire même moral du terme. Cette personne à laquelle je prête et qui s’engage à me rembourser est-elle digne de confiance ? Est-elle honorable ? Quelle est sa réputation ?
Dans un tel système, l’avantage n’est plus donné au nomade, au déraciné mais au contraire, à celui que l’on connaît et dont on connaît la famille et le caractère sur plusieurs générations. De plus, un tel système permet aux hommes d’échapper aux griffes de la technostructure et de la bureaucratie pour renouer des liens directs d’échange et donc de retrouver une forme de souveraineté sur eux-mêmes. Dans le cadre d’un crédit vendeur, ce n’est pas la banque qui prête mais Monsieur Durand qui prête à M. Dupont pour qu’il achète sa maison ou M. Dumoulin qui nous a fait un crédit vendeur pour nous permettre d’acquérir la machine qui nous permettra de développer notre entreprise.
Même si ce mécanisme comporte de nombreux avantages, précisons néanmoins que comme tout système économique, un système fondé sur le crédit vendeur ne peut fonctionner que si ses membres partagent des valeurs communes, acceptent de « jouer le jeu » et sanctionnent de façon impitoyable les éventuels « passagers clandestins » tentés d’en abuser.
Ceci étant dit, la beauté du système de crédit vendeur est que celui-ci peut parfaitement fonctionner en parallèle et en complément du système bancaire « classique ». En effet, il est tout à fait possible d’imaginer, dans un premier temps, qu’un tel système soit réservé pour des transactions portant sur des petits montants ou se trouve limité à des transactions entre les membres de groupes de confiance soudé autour de valeurs communes qu’elles soient politiques ou religieuses.
Face à la persécution qui frappe les résistants patriotes, le mécanisme du crédit vendeur pourrait par exemple être utilisé aussi bien par d’autres patriotes que par les anciennes générations pour aider des jeunes couples à acquérir un bien immobilier ou créer leur première entreprise. Utilisé dans cet état d’esprit, le crédit vendeur peut devenir une arme économique de reconquête mais aussi constituer une forme concrète de d’aide ou de solidarité communautaire sans pour autant verser dans la pure philanthropie.
Si un tel système venait à être adopté ou à sa diffuser, il se révèlerait bien plus efficace que tous les discours révolutionnaires pour réduire le pouvoir et le contrôle du système bancaire et financier sur l’économie. Face à la mondialisation et à la virtualisation des échanges, il permet en effet d’enraciner à nouveau l’activité financière au niveau local et à l’échelle humaine et plus important encore, il vient rappeler à chacun qu’il a le pouvoir, à travers ses choix et ses comportements économiques, d’exercer une influence directe sur l’évolution de la société et les règles qui la régissent.
Ainsi, adopter un dispositif aussi simple que le crédit vendeur pourrait permettre de passer concrètement de la société de l’argent à la société de la confiance, d’un monde dominé par les chiffres à un monde centré sur l’Homme.
Pour aller plus loin :
La dette : 5000 ans d’histoire, David Graeber
Économie médiévale et société féodale, Guillaume Travers