Des indicateurs économiques

Une des plus grandes perversions intellectuelles de notre époque est l’utilisation d’indicateurs et de méthodes en apparence scientifiques pour recouvrir d’un vernis de crédibilité les mensonges, les manipulations et les dogmes. Cette pratique systématiquement utilisée par les dirigeants politiques et les médias a pour conséquence désastreuse de fausser entièrement le rapport au réel, de susciter une méfiance envers la science en général et de contribuer à mettre dans le même sac les véritables experts et les charlatans.

Aucun domaine de la connaissance n’est épargné par ce phénomène mais à cause du rôle central qu’elle occupe dans nos sociétés contemporaines, la science économique est en une des principales victimes.

Disons les choses clairement : à peu près tous les indicateurs et tous les discours médiatiques sur l’économie sont totalement bidons.

Démonstration :

  • Le chômage

En France, le nombre de chômeurs se situe officiellement autour de 6 millions de personnes.

Ce chiffre n’intègre que les catégories A, B et C de demandeurs d’emplois.

En ajoutant les catégories D et E, les personnes inscrites au chômage mais qui ne cherchent pas d’emploi, on peut rajouter 600 000 chômeurs en plus. A noter que sur un an, la catégorie D, celle des personnes inscrites mais non tenues de chercher un emploi, a connu à elle seule une augmentation de 13.5%.  La même technique est employée aux Etats-Unis où, derrière le faible taux de chômage, se cache le fait que plus de 95 millions de personnes sont sorties de la population active et ne recherchent même plus d’emploi.

Enfin, le  taux de chômage est loin d’être une mesure pertinente car comme disait Coluche, « les gens ne veulent pas de travail, de l’argent leur suffirait » autrement dit, les emplois créés permettent-ils à ceux qui les occupent de vivre de façon décente ?

La réponse est non.  Les faibles de taux de chômage de l’Allemagne, de l’Angleterre et des Etats-Unis  s’expliquent en partie par des réformes qui ont conduit à la multiplication de mini-jobs payés l’équivalent de 3 ou 4€ de l’heure. La France, elle, a fait le choix de la dépense publique et d’un taux de chômage élevé pour éviter la paupérisation et l’explosion sociale mais même dans ce contexte, le salaire médian ne permet plus d’habiter dans les métropoles et d’élever une famille de deux enfants et le nombre de personnes touchées par le halo du chômage (proche du chômage sans y tomber) ne cesse d’augmenter.

Par ailleurs, il existe une tendance grandissante à la multiplication des missions couvertes par un intitulé de poste donné ou pour dire les choses autrement, un seul salarié réalise désormais des tâches qui occupaient autrefois deux ou trois personnes.

En réalité, dans toutes les économies développées, la situation de l’emploi est absolument désastreuse et les salaires réels, en plus d’être insuffisants, sont largement grignotés par l’inflation.

  • L’inflation

Un des principaux objectifs des banques centrales comme la BCE est de lutter contre l’inflation. Sur le papier, il s’agit d’un immense succès car l’inflation se trouve officiellement stabilisée autour de 1%.

En réalité, celle-ci est bien plus forte et grignote chaque année le pouvoir d’achat des ménages.

Certes, le prix de certains biens de consommation, essentiellement technologiques, diminue mais le prix de toutes les dépenses essentielles augmente : essence, électricité, gaz sans parler du poste le plus important, le logement. En l’espace de trente ans, le prix de l’immobilier en France a plus que doublé sans que les salaires n’en fassent autant. Sur ce point, il existe un véritable fossé entre ceux qui, déjà propriétaires, ont vu la valeur de leurs actifs augmenter de façon spectaculaire et ceux qui doivent débourser deux fois plus pour acquérir le même type de bien. Enfin, l’inflation prend une forme beaucoup plus insidieuse et très mal mesurée : la réduction de la qualité et de la quantité des biens et des services. Sous l’effet de la contraction économique, les opérateurs réduisent année après année certaines prestations qui allaient auparavant de soi comme par exemple, la présence de personnel au guichet dans les banques ou au comptoir des compagnies aériennes. Dans le même temps, de nombreux produits ont connu une réduction de leur quantité (bouteilles de 1.5l qui passent à 1l) ou de leur qualité (baisse de la teneur en cacao par exemple) soit pour préserver les marges des fabricants, soit à cause de l’augmentation du coût de certaines matières premières.

  • La croissance

Dans un précédent article, j’ai expliqué comment la contraction énergétique via la chute du Taux de Rendement Energétique (TRE) condamnait depuis les années 70 les économies à une contraction économique et à une croissance faible. Aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre que la croissance de toutes les économies, y compris celle de la Chine, n’est rendue possible qu’à travers des manipulations comptables et l’émission d’une quantité titanesque de dettes, 188 trilliards à l’échelle mondiale. Cet endettement ne concerne pas seulement les états mais aussi les entreprises et les ménages. Non seulement, cet endettement massif menace l’avenir mais il est également utilisé par les classes dominantes pour accomplir un accaparement de richesses sans équivalent dans l’histoire de l’Humanité. Toute cette maigre croissance  constitue une gigantesque fuite en avant via l’endettement et cette stratégie est en train de détruire, via les taux négatifs qu’elle induit, le système financier ainsi que le concept même d’épargne.

Évolution de la masse monétaire des banques centrales

  • La monnaie

Comme je l’ai également expliqué, un des plus gros problèmes économiques de notre époque est que la monnaie elle-même ne vaut plus rien. La monnaie fiduciaire n’est  à l’origine qu’une convention et l’injection, depuis 2008, de centaines de milliards de liquidités  par mois dans l’économie par les banques centrales mondiales pour soutenir le système financier et l’activité économique a conduit au fait que cette convention elle-même n’a désormais plus aucune valeur. Tous les acteurs économiques sont les participants à un gigantesque jeu de chaises musicales qui attendent tous avec effroi que la musique s’arrête car ils savent qu’à ce moment,  ils assisteront à un véritable jeu de massacre financier.

Selon le prestigieux cabinet McKinsey, la prochaine crise entraînera la faillite de plus de la moitié des banques. Quand le système financier s’effondrera et que le public découvrira que l’argent pour lequel il a tant souffert et auquel il a consenti tant de sacrifices ne vaut plus rien, non seulement sa colère sera sans limite mais il n’ aura pas d’autres choix, de même que les états, que de revenir aux seuls véritables réserves de valeur et extincteurs de la dette que sont l’or et l’argent.

Tous ces éléments continuent d’être ignorés par les médias et les dirigeants politiques et les sujets économiques restent abordés, malgré la gravité de la situation, sous l’angle de l’anecdote ou via des indicateurs complètement faussés et privés de véritable signification.  Le peuple, lui, sent bien qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de l’économie, sans pour autant posséder les connaissances suffisantes pour mesurer l’ampleur de l’escroquerie.

Tôt ou tard, tous devront faire face à cette réalité qui refuse pour l’instant d’être admise : nous assistons à la fin d’un modèle économique, né de la révolution industrielle et de l’exploitation des énergies fossiles, et ces 200 ans que nous avons pris pour la règle ne sont en réalité, à l’échelle de l’histoire économique, rien de plus qu’une exception.

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