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De l’imposture guénonienne

« Il viendra beaucoup de faux prophètes et ils séduiront beaucoup de gens » Matthieu 24:11

Le combat contre le mondialisme prend souvent la forme d’une lutte entre les adeptes du progressisme et les défenseurs de la Tradition. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux trouvant leur inspiration dans une prétendue « Tradition Primordiale » dont l’un des grands penseurs fut le Français René Guénon (1886-1951).

Il faut donc être reconnaissant à Jean Vaquié d’avoir rédigé un livre aussi clair, accessible et percutant pour dénoncer l’imposture guénonienne et montrer la fausseté et l’insuffisance de nombre de ses postulats.

Commençons par rappeler, comme le fait Jean Vaquié, que René Guénon prétend qu’il existe une « Grande Tradition Immémoriale » qui se serait maintenue depuis les temps les plus reculés d’une manière cachée, c’’est-à-dire ésotérique et communiquée à une élite d’ « initiés ». Mais contrairement à d’autres courants ésotériques, le guénonisme, et c’est là toute son habileté, ne prétend pas s’opposer aux religions révélées comme le christianisme ou l’islam mais plutôt s’y « superposer ».

Pour dire les choses autrement, cette tradition primordiale ésotérique et sa métaphysique seraient réservées à une élite, tandis que les religions exotériques seraient réservées au peuple ou, du moins, aux non-initiés. La pensée de Guénon ménage même une place au pape et à son infaillibilité en la limitant, dans son système, à l’ordre religieux, et non métaphysique, et à la compétence doctrinale. On voit donc immédiatement ce que cette doctrine a de commode : elle permet en effet à une élite d’initiés de « surplomber » les religions établies sans s’opposer frontalement à celles-ci et d’offrir à notre époque relativiste une forme tout à fait acceptable d’œcuménisme en affirmant que toutes les religions, sous leurs formes traditionnelles, s’abreuvent en réalité à la même source qui serait cette fameuse Tradition Primordiale.

Or, comme le démontre avec brio Vaquié, cette thèse, aussi séduisante soit-elle, comporte son lot de problèmes et ne peut en aucun cas être satisfaisante pour l’esprit d’un catholique, voir même d’un chrétien correctement formé.

Le premier problème souligné par Vaquié est que, sur des points fondamentaux, cette doctrine reste extrêmement vague. En effet, selon Guénon, sa « voie métaphysique » a pour but de conduire au « principe universel ». Or, nous dit Vaquié :

« c’est précisément celui que l’on nous dit être non-humain. Malheureusement, cette désignation toute négative, ne révèle pas sa véritable identité. S’agit-il d’une force ou d’un esprit de type angélique ? S’agit-il d’un contact avec la quintessence cosmique ? S’agit-il seulement d’une révélation de l’homme à lui-même, une sorte d’auto-révélation ? Nous n’obtenons aucune réponse à ces questions. Guénon répétera inlassablement que l’inspiration du Vêda est non-humaine. […] Il nous aura seulement invités, si nous voulons en savoir davantage, à suivre nous-même la voie métaphysique en recevant l’initiation. »

Vaquié revient ensuite sur l’un des ouvrages les plus complexes de Guénon, inspiré par un dignitaire musulman, et intitulé « Le symbolisme de la Croix ». Guénon entend en effet restituer la « vraie symbolique » de la croix que les chrétiens lui auraient prétendument fait perdre. Guénon va donc opposer à la croix historique et, selon lui, « relative » de Notre-Seigneur Jésus-Christ, une croix « absolue » qu’il va transformer en système de coordonnées en trois dimensions. Nous passons ici sur l’analyse comparée et méthodique à laquelle se livre Jean Vaquié pour communiquer au lecteur une de ses conclusions frappées au coin du bon sens. En effet, nous dit Vaquié, le grand problème de la croix « absolue » de Guénon, c’est qu’il est impossible de clouer un être réel dessus ! Il s’agit donc là, en dépit des précautions prises par Guénon pour ménager le christianisme, d’une négation du mystère de l’Incarnation et donc du sacrifice rédempteur du Christ sur la Croix.

Pour finir, Jean Vaquié aborde le mythe de l’androgyne. Sur ce point encore, la « Tradition Primordiale » s’oppose à la tradition biblique qui, dans la Genèse, relate la création par Dieu d’un masculin et d’un féminin clairement distincts (“homme et femme, Il les créa” Gen 1:27), pour expliquer que l’humanité posséderait en elle la nostalgie d’une androgynie primordiale.

« L’état androgyne originel est l’état humain complet dans lequel les complémentaires, au lieu de s’opposer, s’équilibrent parfaitement. » (Le Symbolisme de la Croix – Chap III).

Là encore, Jean Vaquié s’attache à montrer avec une rigueur méthodique la fausseté et les incohérences qui entachent cette notion d’archétype universel que serait l’androgyne. De plus, comme l’a parfaitement compris Vaquié, « surpasser le Christ, s’interposer entre Dieu et Lui, telle est précisément la place que convoite Lucifer. » Sur ce point, ainsi que sur la valorisation de l’androgynie, les défenseurs de la « Tradition Primordiale » se retrouvent donc à défendre les mêmes conceptions que les kabbalistes ou les gnostiques mondialistes qu’ils prétendent pourtant combattre…

La lecture du livre de Jean Vaquié fait donc apparaître le guénonisme comme une doctrine habile, ambiguë, parfois incohérente qui, tout en ménageant en apparence une place au christianisme, s’oppose dans les faits sur de nombreux points à la théologie et à l’enseignement chrétiens, tout en valorisant diverses notions religieuses ou métaphysiques tirées de l’Islam ou des spiritualités orientales.

Or comme le démontre Jean Vaquié, tout cela ne sert qu’à occulter la véritable tradition, la tradition apostolique dont l’Église est la gardienne.

« Quand l’hindouisme dit : « L’Église a oublié la Tradition ; c’est nous qui l’avons conservée », il se trompe. C’est exactement le contraire en réalité. Toutes les religions païennes (et pas seulement l’hindouisme) ont quitté la ligne droite des jalons traditionnels avant Abraham et avant l’Écriture. Elles ne possèdent donc de la Tradition que la version babélienne dont, justement, Dieu n’a pas voulu. » (p.40)

Nous ne pouvons donc qu’inviter les guénoniens, ceux tentés par le guénonisme et les chrétiens soucieux de se former, à lire ce livre de Jean Vaquié ainsi qu’à méditer sur ce passage qui vient le clore :

« Nous touchons ici du doigt la différence essentielle entre la pensée chrétienne et la pensée gnostique. La pensée chrétienne médite la révélation qui lui a été donnée mais elle ne va pas au-delà ; quand elle se trouve devant un mystère, elle le contemple sans essayer de le percer. Telle est l’attitude réaliste. La pensée gnostique est guidée par une intention de connaissance à tout prix, elle n’admet pas de se laisser limiter par le mystère, elle veut comprendre même ce qui est au-dessus des forces de la raison humaine ; alors quand la Révélation ne fournit pas d’explications, elle les invente selon le « propre esprit » lorsque même elle ne se laisse pas inspirer par le « mauvais esprit », ce qui arrive fréquemment. » (p.155)

Ou comme l’a dit encore plus simplement le Christ :

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Luc 10, 21

Pour aller plus loin :

L’imposture guénonienne, Jean Vaquié

Les sources occultes de la philosophie moderne, Alain Pascal

De la gnose à l’œcuménisme, Étienne Couvert